Martin Dumont, le témoin-vedette de la commission Charbonneau qui a menti - oups! - qui a commis des erreurs factuelles dans son témoignage-choc de décembre, a peut-être joué, bien malgré lui, un rôle utile à la collectivité.

Son témoignage spectaculaire de décembre a été lourd de conséquences. Ses révélations sur la double comptabilité d'Union Montréal, sur le coffre-fort plein d'argent, sur la secrétaire forcée de compter 850 000$ en billets, ont sans doute contribué à précipiter la démission du maire Gérald Tremblay. On sait maintenant qu'une partie de son témoignage, sur le fameux 850 000$, était fausse. Cela jette des doutes sur le reste.

Mais ce témoignage, aussi imparfait soit-il, pourra néanmoins avoir des effets bénéfiques pour la suite des choses.

Le premier effet, c'est de nous inciter à la retenue. Depuis le début des travaux de la Commission, bien des gens ont tenté, sans grand succès, de rappeler aux citoyens qu'il faut interpréter avec prudence les témoignages aux audiences publiques tant que les faits n'ont pas été vérifiés. Grâce aux égarements de Martin Dumont, peut-être que le message passera mieux.

Le second effet, ce sera certainement de pousser la commission Charbonneau elle-même à faire preuve de plus de rigueur dans la façon dont elle recueille sa preuve et prépare les témoignages publics. Une commission dispose de pouvoirs considérables, qui comportent des risques, notamment celui d'avoir un effet dévastateur sur des réputations sans donner aux victimes le moyen de se défendre rapidement.

La Presse a révélé, avant les Fêtes, des failles dans le témoignage de Martin Dumont. Comment se fait-il que cela ait échappé à la commission, malgré ses ressources?

L'incident Dumont peut en partie s'expliquer par la dynamique même de cette commission, qui a pour mandat de rechercher la vérité sur les dérapages dans l'industrie de la construction, mais qui le fait dans un contexte politique et culturel précis. Les audiences publiques ont pour but d'informer le public, mais aussi d'exorciser une colère collective. Elles deviennent un spectacle télévisé, happées par la logique d'une téléréalité, celle de faire un bon show, avec des révélations spectaculaires, des coups d'éclat et des échanges colorés.

Il y aura un troisième effet, et c'est de refroidir une approche qui a séduit bien des gens au Québec dans le climat de cynisme et de colère provoqué par le scandale de la construction et ses ramifications politiques. Cette approche, c'est celle du justicier populiste, incarnée par l'ex-chef de police Jacques Duchesneau, maintenant député caquiste. Cet homme passionné, mais incontrôlable, pas toujours mesuré, verra certainement son image ternie par l'incident Dumont.

Pourquoi? Parce que Martin Dumont a été un candidat son équipe aux élections municipales de 1998, et que les deux hommes sont manifestement restés proches, même si M. Dumont, comme on a pu le voir dans ses témoignages, a projeté l'image d'un intrigant politique et même s'il a tardé à dénoncer les turpitudes dont il dit avoir été témoin.

Aussi parce que Jacques Duchesneau a aidé Martin Dumont à préparer son témoignage! Disons que le résultat n'a pas été heureux. Le même Duchesneau qui critiquait la façon dont les procureurs de la Commission l'avaient interrogé s'est chargé ensuite de préparer un témoin pour la même Commission, dans un contexte qui suggère les manigances de coulisses.

Enfin, pour boucler la boucle, parce que M. Dumont a été l'une des sources du rapport secret de M. Duchesneau, qui affirmait que 70% du financement politique était illégal, une conclusion fracassante, mais si excessive qu'elle a suscité l'incrédulité.

Le but d'une commission n'est pas d'amuser les téléspectateurs, mais de rechercher la vérité et de proposer des solutions. Pour y parvenir, parfois vaut-il mieux être fastidieux, méticuleux et crédible, quitte à être moins divertissant.