Depuis la mort de Maurice Duplessis et le début de la Révolution tranquille, tous les gouvernements du Québec, sans exception, ont soutenu les universités québécoises.

Et c'est un gouvernement du Parti québécois, en principe le parti le plus proche de la culture, des artistes, des intellectuels, du monde universitaire, celui qui, en principe toujours, valorise le plus le savoir, qui est le premier à faire une «job de bras» au réseau de l'enseignement supérieur.

Ça a commencé par le choix risqué de confier la responsabilité des universités à un politicien populiste, l'ex-journaliste Pierre Duchesne. Celui-ci a rapidement donné le ton en mettant en doute, dans une sortie stupéfiante, la réalité du sous-financement universitaire et en manifestant un biais en faveur des associations dans la préparation du sommet sur les universités.

Et maintenant, après que son gouvernement ait annulé la hausse des droits de scolarité, et donc privé les universités des sommes additionnelles qu'elle aurait procurées, le ministre leur annonce sans ménagement, et sans aucune forme de respect, des compressions de 140 millions à absorber sur quelques mois. Cela ressemble à s'y méprendre à une déclaration de guerre.

Il est très rare qu'un ministre s'entende mal avec le secteur dont il a la charge. Mais surtout, ces rapports malsains du ministre de l'Éducation supérieure, de la Recherche, de la Science et de la Technologie avec les universités peuvent être très lourds de conséquences.

Un des effets pervers du conflit étudiant a été de contribuer à discréditer les universités. Les associations étudiantes, dans leurs efforts pour démontrer l'inutilité d'une hausse des droits, ont fini par tracer un portrait caricatural des universités, des institutions mal gérées qui n'auraient pas besoin d'argent et qui consacreraient trop de ressources à la recherche.

Le devoir d'un gouvernement responsable aurait dû être de faire rapidement et clairement contrepoids à ce discours. Les universités, dans leurs fonctions d'enseignement et de recherche, jouent un rôle stratégique dans les sociétés avancées, pour former la main-d'oeuvre, susciter le talent, nourrir l'innovation. C'est la clé du développement économique. C'est aussi un outil puissant de développement social.

Ce succès essentiel n'est possible que si les Québécois, comme le font d'autres nations, appuient sans réserve leurs universités, sont conscients de leur rôle, acceptent de faire des efforts, individuels et collectifs, pour assurer leur succès, et en font un objet de fierté collective.

À ce chapitre, le Québec a encore beaucoup de chemin à faire. De façon générale, nous avons du mal à valoriser l'éducation, comme le montre notre fort taux de décrochage scolaire. C'est encore plus vrai pour l'éducation supérieure. La fréquentation universitaire reste basse comparée à d'autres provinces. Les familles épargnent moins pour les études de leurs enfants et soutiennent moins ceux-ci. Et notre effort financier collectif est insuffisant, quoiqu'en dise le ministre.

Cela semble tenir à l'existence d'un volet inachevé de la Révolution tranquille. Et cela met en relief des réflexes populistes à l'égard d'un monde qu'on associe aux élites.

Depuis son entrée en fonction, par son ton, par ses propos, ce sont ces réflexes populistes de l'opinion publique que Pierre Duchesne nourrit. Et derrière lui, la première ministre Pauline Marois qui l'a nommé à son poste et qui ne fait rien pour tempérer sa croisade. Pourquoi? La rentabilité électorale d'un appui aux étudiants? Des comptes à régler avec les recteurs qui étaient de l'autre bord?

Mais en attaquant les recteurs, c'est l'ensemble du monde universitaire que le gouvernement Marois affaiblit. En nourrissant les préjugés, il compromet les efforts pour donner à nos universités la place qui doit être la leur et il fait reculer le Québec.