Ça paraît que le premier budget du ministre Nicolas Marceau est le budget d'un gouvernement minoritaire. Pas parce qu'il s'autocensure et qu'il s'interdit de proposer des mesures de peur de se faire renverser par les partis d'opposition, mais plutôt parce qu'il est très politique, beaucoup plus que d'habitude.

Ce caractère politique, on le voit d'abord au thème dominant du discours, «un gouvernement proche des familles», dont les accents populistes ressemblent un peu à ceux du gouvernement Harper.

Cette insistance sert à faire oublier le fait que le budget, faute de ressources, est beaucoup moins social-démocrate que ne le promettait le gouvernement péquiste, que l'abolition de la taxe santé s'est muée en réduction, que les mêmes familles seront appelées à casquer, avec des hausses de 230 millions des taxes sur l'alcool ou le tabac, ou que le gel promis des tarifs de l'électricité patrimoniale s'est transformé en indexation.

N'oublions pas que si le budget Marceau a été relativement bien reçu, c'est en bonne partie parce que les éléments les plus fantasques du programme péquiste ont été gommés. Mais il y a un corollaire à cela. Et c'est que ce budget n'est pas significativement différent de celui de son prédécesseur libéral Raymond Bachand. Assez pour constater que le gouvernement Marois, après un cheminement assez chaotique, revient en quelque sorte à la case départ.

Il propose donc un budget d'austérité, qui maintient les objectifs de réduction du déficit du gouvernement Charest, soit 1,5 milliard pour l'année qui se terminera le 31 mars prochain, et zéro pour l'année suivante (2013-2014). En outre, il y parvient avec les mêmes méthodes: couper et taxer.

Le ministre Marceau explique de façon convaincante pourquoi il faut ramener le déficit zéro l'an prochain, quand Ottawa peut se permettre de reporter ses échéances. Parce que notre dette est plus élevée et que notre démographie nous rend plus vulnérables.

On note toutefois que les chiffres du budget ne justifient pas le psychodrame auquel nous avons droit sur les horreurs découvertes par le nouveau gouvernement depuis qu'il a ouvert les livres. Contrairement à l'impression laissée par le gouvernement Marois, les finances se portent bien cette année, avec un petit trou de 195 millions provoqué par le ralentissement économique. La fameuse impasse de 1,6 milliard porte sur l'an prochain, ce qui est moins inusité et plus gérable. D'ailleurs, ce que propose M. Marceau pour la résoudre - limiter la hausse des dépenses à 1,8% - ressemble pas mal au 1,9% imposé cette année par M. Bachand.

Il faut en outre souligner l'important changement de doctrine économique qu'annonce ce budget. Le seul élément typique de la conception plus péquiste du développement, c'est un plan de congé fiscal de 10 ans pour les gros investissements, le C2I, dont on ne sait pas si ce sera une mesure «coup de poing» comme le dit le ministre, ou un coup d'épée dans l'eau.

Pour le reste, après avoir abandonné la taxation rétroactive des dividendes et du gain de capital, le gouvernement Marois met de côté la conscription de la Caisse de dépôt pour le développement économique, remet à plus tard l'augmentation des redevances minières et maintient le Fonds des générations pour la gestion de la dette. Ces virages semblent annoncer le retour à la réalité d'un parti qui s'était emporté en campagne électorale.

Mais surtout, Nicolas Marceau, dans un document sur la vision économique du gouvernement, affirme très clairement le rôle de l'investissement privé, d'une façon pas très différente de ce que proposent libéraux et caquistes, et donc un retour des péquistes dans ce que l'on pourrait appeler un certain consensus économique. Souhaitons que cette vision ne soit pas seulement celle du ministre des Finances.