Gérald Tremblay a finalement annoncé sa démission. C'était la seule chose que le maire de Montréal pouvait faire. À la suite des révélations de la commission Charbonneau, la crise de confiance dont souffrait la ville a atteint un tel niveau qu'on ne pouvait imaginer comment elle aurait pu être résorbée autrement qu'avec son départ.

Mais je le dis sans joie. Sa démission constitue une bien triste conclusion. M. Tremblay n'est ni un bandit ni un politicien corrompu. C'est un homme intègre, passionné, sincère quoique naïf, pour lequel j'ai eu de l'affection depuis l'époque lointaine où il fut ministre de l'Industrie et du Commerce du gouvernement Bourassa. Mais il était devenu la mauvaise personne au mauvais moment.

La corruption à Montréal, les enveloppes brunes, ce n'est pas quelque chose dont on a découvert avec stupeur l'existence cet automne. Ça fait des années que les rumeurs se multipliaient. Le maire ne pouvait pas les ignorer. Avec le recul du temps, le scandale des compteurs d'eau, qui a révélé le degré de putréfaction montréalaise, aurait dû suffire, en soi, pour que M. Tremblay ne se représente pas en 2009.

À sa décharge, il faut rappeler que la gangrène de la corruption s'est installée bien avant son arrivée à la mairie. Ce n'est pas lui qui en est le grand responsable. Et les événements récents montrent qu'il a fallu déployer des moyens colossaux pour s'y attaquer: UPAC, opération Marteau, commission d'enquête. Un maire, seul, n'aurait jamais pu y parvenir.

Mais Gérald Tremblay était le capitaine de son navire. C'est sous sa gouverne qu'on a vraiment commencé à découvrir, par bribes, l'étendue des dégâts. C'était son devoir de s'attaquer au problème avec la première énergie. Et il n'a pas été à la hauteur de la situation. On soupçonne un refus de savoir, un aveuglement volontaire. Et certainement une approche passive que ses propos d'hier soir trahissaient: «J'ai délégué», «On a trahi ma confiance», «Lorsqu'on m'a informé...». Le maire a attendu au lieu de foncer. Il a compté sur les autres au lieu de prendre les choses en main, une erreur d'autant plus grave étant donné son don pour mal s'entourer.

Cette impuissance tient en partie à sa personnalité. M. Tremblay fut un maire un peu «professeur Tournesol», plus intéressé par la théorie - comme par exemple sa passion pour les grappes industrielles - que par les détails concrets.

M. Tremblay est également un homme gentil, qui ne se fâche pas, qui n'aime pas affronter, qui n'aime pas déplaire. Une affabilité qui n'est pas toujours un atout; on l'a vu dans ses relations avec le gouvernement du Québec où il n'a jamais le gros bout du bâton. Dans la crise actuelle, ce n'était pas la personne pour faire la «job de bras» dont la ville avait terriblement besoin.

Et voilà pourquoi ses efforts pour contrer timidement la corruption de son administration ont été un échec. Mais cet échec ne doit pas faire oublier les réalisations de son administration, malgré un contexte extrêmement difficile, marqué par les fusions, les défusions et les refusions, qui ont rendu la ville ingérable.

La simple multiplication des cônes orange, qui nous irritent tant, est là pour nous rappeler les efforts considérables de restauration des infrastructures. Il laissera aussi le souvenir de changements significatifs, ne serait-ce que le Quartier des spectacles, la révolution des BIXI, la renaissance de quartiers qui ont retrouvé leur beauté et leur vitalité.

Après des semaines de tourmente, le maire Tremblay, dans la façon élégante dont il a annoncé son départ de la vie politique, nous a rappelé qu'il était capable de noblesse.