Le gouvernement dirigé par Pauline Marois a choisi d'entreprendre sa première session parlementaire en mettant l'accent sur l'intégrité. Son premier projet de loi, sa loi 1 - qui a une valeur symbolique - porte sur l'intégrité des entreprises qui sollicitent des contrats publics.

Ce changement de priorité est bienvenu. Minoritaire, le gouvernement péquiste doit le plus possible concentrer ses énergies sur des enjeux consensuels. Face à l'ampleur des dérives révélées par la commission Charbonneau, les Québécois souhaitaient certainement une intervention gouvernementale rapide.

En faisant de l'intégrité sa priorité, le nouveau gouvernement est parti du bon pied. Il marquera fort probablement des points dans l'opinion publique, surtout contre ses adversaires libéraux, particulièrement vulnérables à cet égard, ce qui n'est pas à négliger, car dans un contexte de gouvernement minoritaire, tous les partis pensent à la prochaine élection.

Il fallait agir, parce que la loi 35, instaurée par le gouvernement Charest, comportait des failles. Elle retirait leur licence aux entrepreneurs associés à des actes criminels, mais elle pouvait être contournée par le jeu des prête-noms ou des filiales. Et c'est ainsi que des entrepreneurs douteux pouvaient encore décrocher des contrats publics sans qu'on puisse les en empêcher.

Le projet de loi 1 ne se limite pas à colmater ces failles. Il rame très large, en visant toutes les entreprises qui veulent faire affaire avec le gouvernement, et pas seulement celles de la construction. Il agit en outre en amont, plutôt qu'en aval, en exigeant des entreprises qu'elles obtiennent une autorisation pour transiger avec l'État, délivrée, après vérification, par l'agence de l'Autorité des marchés financiers, qui pourra compter sur l'appui de l'Unité permanente anticollusion. L'enquête pourra porter sur les dirigeants, les associés, les administrateurs, et l'autorisation pourra être refusée si l'entreprise manque d'intégrité.

L'idée est évidemment excellente. Mais le projet est colossal. Il impliquera la vérification assez complexe de dizaines de milliers d'entreprises, exigera une énorme bureaucratie, posera le risque de délais et d'erreurs administratives. Il manque donc beaucoup de détails pour que cette idée, conceptuellement intéressante, se transforme en bonne politique.

Il ne faut pas oublier que ce projet n'aborde qu'une partie de la problématique. Le Québec doit repenser la façon mécanique dont on attribue les appels d'offres aux plus bas soumissionnaires; on a besoin d'outils pour analyser les contrats. En outre, les derniers mois nous ont appris que plus on avance, plus on découvre de nouveaux stratagèmes, et plus on réalise que les outils pour les combattre étaient inadéquats.

On comprend que Mme Marois ait déclaré, dans son discours d'ouverture: «Nous devons agir sans attendre». La situation l'exigeait. Mais en agissant trop rapidement, on risque sans cesse d'être en retard sur la réalité.

Et cela force aussi à mettre l'accent sur des interventions symboliques, qui créent au mieux l'illusion que les choses sont sous contrôle, mais qui contribuent à introduire de la confusion. C'est le cas des mesures de renouveau démocratique que propose Mme Marois - élections à date fixe, limite de deux mandats, et plafonnement à 100$ des contributions politiques - qu'elle lie très clairement aux questions d'intégrité.

Ces gestes peuvent contribuer à restaurer la confiance dans nos institutions politiques, mais ne seront pas d'une grande utilité pour nettoyer la construction ou civiliser l'octroi de contrats publics. Le plafonnement à 100$ des contributions aux partis provinciaux n'aurait pas réduit d'une «piasse» le montant des ristournes, des pots-de-vin, des fausses factures qui ont gangrené les contrats à Montréal. Ne serait-ce que parce que le projet péquiste ne vise pas les partis municipaux.

Et l'exemple de notre voisin du sud est là pour nous rappeler que les élections à date fixe n'ont pas fait des États-Unis un modèle de probité politique.