Bien des Québécois n'aiment pas le gaz de schiste. Ils n'aiment pas non plus l'idée d'exploiter du pétrole dans le Golfe, ni dans l'île d'Anticosti. Ils détestent le pétrole sale de l'Alberta. Et ils aiment encore moins l'extraction de l'uranium.

Mais les Québécois, souvent les mêmes, tiennent au filet de sécurité sociale. Ils en voudraient même plus, comme la gratuité scolaire. Ils ne veulent pas qu'on touche à la santé ou aux services sociaux. Ils n'aiment pas payer plus d'impôts, même pas un petit 200$ pour éviter des compressions en santé. Ils savent aussi que nous traînons une grosse dette que nous allons refiler à nos enfants.

Comment fait-on pour concilier le premier paragraphe et le second? On s'assoit, on réfléchit, on se comporte en adultes plutôt qu'en ados gâtés. Et on constate que, pour atteindre les objectifs du deuxième paragraphe, on a besoin de croissance, notamment celle que peuvent permettre les éléments du premier.

Dit autrement, il faut trouver un point d'équilibre entre le rêve et la réalité. Ça ne veut pas dire qu'il faut faire n'importe quoi au nom de la croissance, mais plutôt essayer de définir ce qui est acceptable et raisonnable.

Mais les Québécois sont dans des espèces de limbes. Écolos en paroles, mais pas en actes. Contre le développement, sans en accepter les conséquences. Un flou intellectuel que l'on masque avec des termes comme moratoire, concept totalement creux si on n'en précise pas le sens. Un moratoire, c'est une suspension. Ça ne veut rien dire en soi si on ne dit pas pourquoi, pour combien de temps, à quelles conditions.

Cette confusion nous mène à une foule de contradictions. Nous sommes contre le gaz de schiste, mais presque le tiers du gaz que nous importons en est. Nous ne voulons pas du pétrole des sables bitumineux qui parviendra peut-être à Montréal par oléoduc, mais nous acceptons que 40% de celui que nous consommons arrive par bateau de l'Algérie.

Le gouvernement Marois veut réduire notre dépendance à l'énergie étrangère, surtout en réduisant notre consommation d'hydrocarbures. C'est bien, car 15 milliards sortent chaque année du Québec pour acheter des produits pétroliers, et deux autres milliards pour le gaz. Mais la meilleure façon d'y parvenir, c'est de compter sur notre propre gaz et notre propre pétrole.

Ce n'est pas le gouvernement Marois qui a créé cette confusion, mais il l'encourage par ses messages contradictoires et par la nomination de Martine Ouellet comme ministre de l'Énergie et des Ressources. Une militante qui, dès sa nomination, a dit qu'elle ne voyait pas de jour où le gaz de schiste serait exploitable. Elle a été forcée de nuancer ses propos depuis, mais son attitude à l'égard de cette ressource qu'elle estime être à «haut risque» n'a pas changé.

Et pourtant, le gaz de schiste a révolutionné les États-Unis, comme moteur de croissance et outil d'indépendance énergétique. Et si la France a décrété un moratoire, le reste de l'Europe - Espagne, Suède, Pays-Bas, Irlande, Danemark, Allemagne - étudie sérieusement la filière.

On ne souhaite certainement pas que Mme Ouellet ait l'enthousiasme débridé de Nathalie Normandeau sur le sujet. On est tous d'accord pour s'opposer à l'exploitation de ce gaz non conventionnel s'il comporte des risques environnementaux ou s'il menace la qualité de vie.

Mais on s'attend à ce que la ministre ait un esprit ouvert quand nous aurons les résultats de l'Évaluation environnementale stratégique, et qu'elle joue un rôle de facilitateur pour surmonter les obstacles et assurer le développement de cette ressource si cela peut se faire dans de bonnes conditions. Il est assez évident que si la ministre est contre en partant, ça n'arrivera jamais.