Il était parfaitement normal que la première ministre Pauline Marois annonce rapidement les décisions qui reflètent sa vision, pour montrer que son gouvernement, même minoritaire, tient ses promesses et incarne le changement.

Ce qui est moins normal, c'est que cet empressement, légitime, se transforme en précipitation. Le gouvernement Marois est allé si vite qu'on a l'impression qu'il a cédé à la tentation d'agir d'abord, et de réfléchir ensuite.

Avec pour résultat que plusieurs décisions-choc des derniers jours - le regel des droits de scolarité, le moratoire sur le gaz de schiste, la fermeture de la centrale Gentilly-2 - sont mal ficelées. Une logique de l'à-peu-près qui atteint des sommets avec l'idée d'une hausse d'impôt rétroactive.

Dans les quatre cas, il y a plus que cette touche d'improvisation. Et c'est la difficulté du PQ de changer de mode, après avoir épousé plusieurs des causes qui se sont exprimées au Québec - les verts, les carrés rouges. Gouverner, ce n'est pas militer. Gouverner, ce n'est pas seulement exprimer ses convictions idéologiques. Les décisions doivent aussi reposer sur la réflexion, l'analyse, la consultation, et l'arbitrage avec d'autres enjeux.

Ce biais militant, et cette improvisation, on les voit dans le dossier des droits de scolarité. Il n'y a rien de surprenant à ce que Mme Marois efface la hausse décrétée par les libéraux. Mais le maintien de la bonification des prêts et bourses, qui visait à atténuer les effets de la hausse, n'est rien d'autre qu'un cadeau aux carrés rouges. Un lapin sorti du chapeau, avec une facture de 70 millions.

Dans le dossier de la centrale nucléaire de Gentilly-2, il est possible que la fermeture soit la meilleure solution. Mais pas seulement parce que le gouvernement est vert et donc contre le nucléaire. Dans un dossier aussi complexe, on ne peut pas trancher sans avoir analysé en profondeur le coût du déclassement, le coût de la réfection de la centrale, les impacts énergétiques de cette décision, ainsi que ses effets économiques. Ce travail de réflexion n'a pas été fait. Même empressement militant dans le cas du gaz de schiste, où le moratoire était prévisible. Mais la déclaration de la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, pour qui le moratoire serait permanent, a forcé Mme Marois à intervenir. Là aussi, la tentation de trancher avant d'avoir en main les conclusions de l'évaluation environnementale reflète une culture militante.

On sent la même improvisation dans le cas de la taxe santé. Parce que Mme Marois veut l'abolir dès cette année, cela créera un trou de 850 millions. Comment le combler? On a appris ce week-end que la hausse des taux d'imposition pour les hauts revenus serait rétroactive au 1er janvier.

C'est inacceptable. Sur le plan politique, le PQ n'a jamais parlé de cette rétroactivité pendant la campagne. Ça ne se retrouve pas non plus dans son cadre financier. Hypocrisie, comme le croit l'ex-ministre Raymond Bachand, ou improvisation? Dans les deux cas, il y a un troublant manque de transparence.

Sur le plan fiscal, le ministre Gérard D. Lévesque avait été vertement dénoncé en 1993 pour avoir fait la même chose. La rétroactivité, ça veut dire qu'on change les règles du jeu après coup, ce qui peut pénaliser des contribuables, encore plus si cela inclut aussi les gains en capital et les dividendes.

Sur le plan démocratique, il y a enfin quelque chose d'agaçant à ce que Mme Marois annonce une mesure qui s'applique à une période où elle n'était pas premier ministre. Est-ce la gouvernance rétroactive?

C'est tellement gros, que cet impôt risque d'être rejeté par l'Assemblée nationale. À un tel point qu'on se demande si Pauline Marois ne fait pas exprès, comme si, par ses décisions, elle pense surtout à préparer une campagne électorale qu'elle sait prochaine.