La une du quotidien français Libération de lundi a suscité tout un émoi. Le titre, «Casse-toi riche con!», paraphrasant une citation célèbre de l'ex-président Sarkozy, visait Bernard Arnault, le plus riche des Français, parce que celui-ci voudrait obtenir la citoyenneté belge pour échapper au poids du fisc français.

Derrière le titre grossier, il y a un débat sur les conséquences des mesures fiscales adoptées par le président socialiste François Hollande, qui a choisi la taxation des riches pour résoudre son impasse budgétaire, plutôt que l'austérité. Avec le risque, que dénonçait Libération, que les riches votent avec leurs pieds.

Ce débat risque fort d'avoir lieu au Québec, à plus petite échelle, parce que le Parti québécois a, lui aussi, promis de faire payer les riches pour financer ses engagements, avec des taux d'imposition plus élevés pour les plus hauts revenus, et des ponctions additionnelles sur les gains de capital et sur les dividendes. Comme ces deux dernières mesures font aussi partie du programme de la CAQ, elles pourraient figurer dans un prochain budget.

Il n'y a pas vraiment eu de débat sur ces mesures pendant la campagne. Ce silence s'explique aisément par l'arithmétique électorale. Les «riches» qui sont visés par ces mesures, ceux dont le revenu imposable dépasse l30 000$, ne sont que 135 000. De l'autre côté, 3 millions d'électeurs ne paient pas un sou d'impôt. Un autre million n'en paie à peu près pas. Et on leur demande ce qu'ils pensent de l'idée de faire payer les riches! La réponse est évidente.

La loi de la majorité n'est pas le meilleur outil pour juger du bien-fondé de mesures fiscales qui visent les plus riches. La fiscalité, c'est complexe, ce n'est jamais neutre, ça peut avoir des effets pervers, et cela modifie les comportements, parfois d'une mauvaise façon. Et ces impacts n'ont manifestement pas été soupesés.

La mesure la plus frappante, c'est la hausse des taux d'imposition de 28 à 32% pour les revenus supérieurs à 130 000$, et à 35% au dessus de 250 000$. À 200 000$, la ponction sera de 2800$. Ce n'est pas rien, mais pas assez pour provoquer un exode, même si l'écart avec les autres provinces s'élargira sérieusement.

Ces taux élevés posent néanmoins un problème d'équité. Les deux tiers des contribuables visés ont un revenu entre 130 000 et 200 000$. Ce ne sont pas des Tony Accurso, mais des gens tout simplement à l'aise, souvent des salariés. Avant de leur taper dessus, il aurait fallu démontrer qu'ils ne paient pas leur juste part. Et démontrer que l'effort que l'on exige d'eux était essentiel. Ce n'est pas le cas. On leur demande d'absorber une contribution santé qui visait 4 millions de personnes et de payer le gel des droits de scolarité. Il y a là un choix idéologique qui entache la légitimité de la ponction.

Avec la réduction de moitié de l'exemption pour les gains de capital et pour les dividendes, le Québec sera dans un monde à part pour le traitement des investissements. Ces mesures pourront affecter fortement les propriétaires d'entreprise, les détenteurs de patrimoine, assez pour qu'il devienne très avantageux pour eux de changer de province.

Ces propositions vont totalement à l'encontre des efforts du Québec pour encourager la création de richesse. On pénalise les investisseurs, les travailleurs autonomes, ceux qui ont épargné, qui touchent des dividendes ou réalisent des gains de capital, mais pas un haut fonctionnaire avec une bonne pension. Beau message.

Souhaitons que le prochain ministre des Finances soit capable de corriger le tir d'ici son premier budget. Et que François Legault revienne sur un engagement qui était d'une rare incohérence.