Le meilleur débat des chefs a eu lieu hier, quand François Legault et Pauline Marois, les deux politiciens qui, selon les sondages, risquent d'être les premiers au fil d'arrivée mardi prochain, ont participé, dans les locaux de La Presse, aux traditionnelles rencontres éditoriales.

Le format des rencontres permet à un politicien de s'exprimer à bâtons rompus pendant plus d'une heure, sans le climat d'affrontement des débats télévisés. Et même s'il y a beaucoup de journalistes autour de la table, la dynamique n'est pas celle d'une conférence de presse, parce que le but de l'exercice n'est pas de mettre les politiciens en boîte.

Ces entretiens sont donc plus spontanés, et permettent mieux de comprendre les politiciens et de découvrir la personne qui se cache derrière le personnage. Dans ces rencontres, je ne pose pas de questions, j'écoute. Voici mes impressions.

D'abord François Legault, le premier que nous avons rencontré. Il était beaucoup moins raide qu'en début de campagne, sans doute satisfait de sa performance jusqu'ici, et il répond vraiment aux questions qu'on lui pose. Le chef caquiste maîtrise très bien ses dossiers, il sait de quoi il parle, il est clair. Et si son programme ratisse large, dans ses interventions, il évite de s'éparpiller et concentre ses énergies à quelques priorités.

Ses défauts ressortent aussi. D'abord son côté comptable, style «on va regarder les chiffres», quand les humains ont souvent tendance à enrayer les plus belles équations. Ensuite son côté pressé, qui est à la fois sa force - l'attrait du changement - et sa faiblesse - les promesses téméraires.

Mais la question que bien des gens se posent, c'est de savoir si François Legault est prêt. En l'écoutant hier, je me disais que oui. Il a de l'expérience, une vision, il sait où il s'en va. Ce qu'il faut se demander, c'est si son équipe est aussi prête que lui.

C'est en fait la même question que l'on peut se poser à l'égard de la chef du PQ. Mme Marois, dans ce contexte d'une rencontre éditoriale à La Presse, qui n'est quand même pas son plus ardent fan-club, était pourtant à son meilleur, intéressante, détendue, quoiqu'il subsiste toujours chez elle une certaine raideur.

Elle a même cédé à un moment d'étonnante spontanéité, quand, en réponse à une question anodine, elle s'est littéralement déchaînée contre son ancien collègue François Legault: «pas fiable», «un gros parleur, un petit faiseux», «j'ai fait confiance à ce gars-là». Ça ne sera pas joli à l'Assemblée nationale!

Ceux qui me lisent savent que je suis à l'aise avec plusieurs idées de M. Legault et pas avec celles de Mme Marois. Mais j'ai aussi retrouvé la ministre que j'ai connue et dont j'ai gardé un bon souvenir, à l'éducation, à la santé. Une femme compétente, qui a de l'autorité, qui connaît ses dossiers. Elle est plus terne que François Legault, ce qui s'explique en bonne partie parce qu'elle a fait le choix de la nuance et qu'elle professe un sens du compromis.

Assez d'ailleurs pour qu'on puisse la trouver indécise et imprévisible. Mais on peut noter que les dossiers où elle a été malmenée dans cette campagne, comme les référendums d'initiative populaire, portaient le plus souvent sur des idées imposées par ses militants plus radicaux. Le problème, ce n'est pas la compétence de Mme Marois, mais sa capacité de contrôler son indomptable parti.

En conclusion, il y a quelque chose d'autre qui ressort de ces entretiens, qu'il est utile de rappeler dans cette période où règne le cynisme. C'est que les politiciens ont des convictions, qu'ils ont à coeur le bien commun, et qu'ils méritent notre admiration.