Au mois de juillet, le Québec a perdu 28 700 emplois. Ce simple chiffre devrait convaincre nos politiciens de quitter la planète lointaine sur laquelle ils se promènent depuis le début de la campagne électorale pour revenir sur terre.

Cette statistique nous rappelle deux choses. D'abord, la fragilité de l'économie. La planète est toujours en crise. Et si nous avons assez bien résisté jusqu'ici, nous sommes de moins en moins à l'abri des turbulences mondiales. Le degré d'incertitude économique est très élevé.

Ensuite, ce contexte économique pèse sur nos finances publiques, déjà très précaires, et rendra plus difficiles les efforts pour ramener le déficit à zéro. Notre niveau d'endettement atteint des sommets italiens, ce à quoi il faudra s'attaquer.

Cette double réalité devrait imposer à nos politiciens une prudence extrême. Ils devraient, à travers leurs déclarations et leurs engagements, prendre acte de la gravité de la situation. Ils devraient choisir la voie de l'austérité. Et pourtant, les trois partis se sont lancés dans une surenchère d'engagements, dans une logique de business as usual.

En soi, ce n'est pas le fait que les partis politiques fassent des promesses qui est choquant. Ce terme fourre-tout décrit de contestables bonbons électoraux tout autant que des énoncés politiques ou des plans d'action. Ces engagements jouent un rôle utile et nécessaire dans une campagne électorale, pour permettre aux partis politiques de définir ce qu'ils sont, de préciser leurs priorités et d'expliquer la façon dont ils entendent gouverner.

Ce n'est pas non plus le fait que des promesses trop coûteuses puissent nous mettre dans le trou qui devrait nous inquiéter. On sait que les partis présenteront des cadres financiers pour expliquer comment ils financeront leurs engagements. On sait aussi que nos grands partis adhèrent tous à la culture du déficit zéro.

D'ailleurs, les pires engagements ne sont pas nécessairement ceux qui exigent le plus de fonds publics, mais plutôt ceux où les politiciens promettent la lune, comme les 250 000 emplois des libéraux (faut-il maintenant parler de 278 700?), le médecin de famille pour tous d'ici un an de la CAQ. Ou encore ceux dont on ne mesure pas les conséquences, comme l'intention du PQ ou de la CAQ de consacrer des milliards de la Caisse de dépôt au développement économique.

Le principal problème que pose la multiplication des engagements n'est pas financier, il est politique. Car le pire qui peut arriver, c'est que le parti victorieux, une fois au pouvoir, abandonne ses engagements trop coûteux, ce qui renforce le cynisme de la population.

L'autre conséquence est elle aussi politique. En multipliant les engagements, les politiciens envoient de très mauvais messages. Le premier, c'est que tout va bien dans le meilleur des mondes.

Le second, c'est de renforcer l'impression que l'État est un bar ouvert, que les services publics peuvent s'étendre et se multiplier à l'infini. Les soins dentaires pour les jeunes ou l'aide à l'achat de matériel scolaire des libéraux, les loisirs et l'aide aux devoirs de la CAQ, l'aide aux activités sportives ou les CPE pour tous du PQ. Toutes de bonnes idées. Mais dans le contexte actuel?

Le troisième message, c'est la pensée magique, qui suggère que les problèmes peuvent se régler sans efforts. On peut créer des emplois, comme le promet le PLQ, on peut régler les problèmes de santé rapidement ou on pourra trouver des milliards en gérant mieux, comme dit la CAQ, quand les gouvernements coupent dans le gras depuis 20 ans. Ou encore en croyant que l'argent pousse dans les arbres, comme le PQ, qui espère rapatrier l'assurance emploi fédérale sans perdre le demi-milliard qui est financé par les autres provinces.