Si l'entente de principe entre le gouvernement et les associations étudiantes signée le week-end dernier s'est effondrée, c'est qu'au départ, elle reposait sur un malentendu.        

L'élément nouveau qui a permis aux leaders étudiants de dire oui, c'était la création d'un «comité provisoire des universités», comprenant des représentants des universités, du monde syndical, des étudiants, du patronat, qui se pencherait sur la gestion des universités et identifierait des économies.

Le désaccord qui a amené les associations à vouloir réécrire l'entente devant l'accueil très négatif de leurs membres, portait sur deux choses. L'ampleur de ces éventuelles économies et leur utilisation. La ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, a dit que ces économies - si elles se matérialisaient - permettraient de réduire les frais afférents. Les leaders étudiants, eux, estimaient qu'elles seraient si importantes qu'elles permettraient aussi de réduire les hausses des droits de scolarité.

On ne peut pas imaginer un débat aussi absurde. On se chicane sur de l'argent qui n'existe pas. Les économies massives que les étudiants espèrent retirer de la lutte au gaspillage sont un mythe. Tout le monde devait le savoir autour de la table le week-end dernier - sauf les étudiants. On reproche maintenant à Mme Beauchamp, c'est d'avoir dit la vérité. Il fallait le faire, au nom de l'honnêteté et de la transparence.

Les étudiants affirment qu'on peut dégager 189 millions en scrutant les dépenses des universités. C'est leur chiffre magique, que personne n'a regardé de près. C'est la version «soft» d'une étude de six pages produite par la Fédération des étudiants universitaires du Québec début avril, intitulée Couper dans le gras.

Cette étude parlait de 289 millions. D'où viennent-ils? On a identifié des postes de dépenses «périphériques» dans le budget des universités québécoises et on a mesuré ce qu'on obtiendrait en les gelant pour cinq ans. Ces enveloppes, ce sont «informatique et communications», «administration et services généraux», «terrains et bâtiments». Et bien sûr, le salaire des recteurs et des cadres supérieurs.

Ce n'est pas une analyse, mais un exercice purement mécanique, qui gèle des postes de dépenses sans nécessairement connaître leur la nature ou leur utilité. Peut-on geler l'informatique dans une université? Les taxes foncières? L'entretien d'immeubles parfois décrépits? Est-ce que l'administration est invariablement du «gras» ?

Les 189 millions dont parlent maintenant les étudiants semblent provenir du fait qu'au lieu de geler ces dépenses, on limiterait leur croissance annuelle à 3%. Mais la démarche est la même, un exercice purement théorique, un échafaudage qui va s'effondrer dès que les leaders étudiants tenteront de présenter leurs chiffres aux autres membres du comité provisoire.

Les universités ne sont pas des modèles de bonne gestion. Ce sont des administrations lourdes. Mais cette lourdeur s'explique en partie par des facteurs historiques complexes que ne réglera pas un comité provisoire: le fait que leurs dirigeants se soient souvent surtout distingués comme professeurs plutôt que comme gestionnaires, les effets pervers de la rencontre du grand principe de la liberté académique et de la culture syndicale, le fait que le choix des recteurs se fait à travers un mécanisme où les étudiants, les employés et les professeurs votent, ce qui n'aide pas à une gestion serrée.

Oui, il y a des choses à faire. Mais il y a des mécanismes pour cela: le Conseil du Trésor qui a serré la vis, des conseils d'administration qui ont maintenant des dents. Le rôle que pourrait jouer un comité provisoire sera marginal. On trouvera sans doute des dépenses inutiles et des cas de gaspillage, mais jamais les millions dont rêvent les étudiants.