La vie politique est régie par un certain nombre de principes qui relèvent souvent du gros bon sens. De façon générale, un parti bien établi ne fera pas reposer sa relance sur une association avec un parti marginal. C'est une idée parfaitement idiote.

Est-ce que le Parti québécois ferait exception à la règle? Certainement pas. Le projet de signer un pacte électoral avec Québec solidaire pour unir les forces souverainistes, qui peut sembler attrayant, serait plutôt suicidaire en ne faisant qu'accélérer le processus de groupuscularisation qui mine déjà ce parti.

Le simple fait que cette idée puisse flotter dans l'air, que Pauline Marois ne l'écarte pas, que le député Bernard Drainville en fasse une planche de salut n'est qu'une autre manifestation de la crise qui agite le PQ. Au lieu de donner un énième souffle au Parti québécois, ce débat surréaliste ne fait qu'illustrer encore une fois son désarroi.

La perspective de cette alliance jouit d'un certain succès auprès des troupes péquistes pour une autre raison, et c'est que le parti s'est transformé depuis quelques années. Il a perdu des plumes, surtout au centre et à droite, notamment avec l'arrivée de la CAQ. Tant et si bien que le poids relatif des éléments de gauche s'est accru, plus ouverts, et parfois enthousiastes, à l'idée d'un rapprochement avec Québec solidaire.

Mais cette idée a un prix. Ce n'est pas qu'une simple décision mécanique qui se limite à des pactes de non-agression dans des comtés où les deux partis se nuisent mutuellement.

Québec solidaire n'est pas un vieux parti que l'on peut qualifier d'opportuniste. On y sent une certaine ouverture à un pacte avec le PQ, parce qu'il en serait le grand gagnant, en ce sens que cela pourrait lui permettre d'envoyer plus de députés à l'Assemblée nationale - ce qui, en passant, serait souhaitable au plan démocratique. Mais QS mettra sans doute des conditions et n'acceptera une alliance que si elle réunit des souverainistes progressistes.

Qu'est ce que cela signifierait pour le PQ? Accepter des négociations programmatiques, peut-être une déclaration commune. Dans tous les cas de figure, s'associer à un petit parti qui n'est pas social-démocrate, mais beaucoup plus à gauche que cela, clairement anticapitaliste, partisan des hausses d'impôt, des nationalisations massives et de la réduction significative de l'entreprise privée. Cela repositionnerait très clairement le PQ sur l'échiquier politique et le rendrait vulnérable, au grand plaisir de Jean Charest ou de François Legault.

Dans ses réflexions existentielles, le PQ, à force de se regarder le nombril, a tendance à se couper de la réalité. Les stratèges péquistes semblent avoir oublié quelque chose d'assez important. Et c'est qu'en démocratie, il y a des électeurs.

En partant, l'idée même d'une coalition de souverainistes consiste à mettre la souveraineté à l'avant-plan, avant les programmes et avant la formation d'un gouvernement compétent. Exactement ce qu'une forte majorité de Québécois ne veut pas. Ensuite, un pacte électoral signifie que des directions de partis décident de limiter le choix des citoyens en comptant sur le fait que ceux-ci vont suivre docilement.

Est-ce que les partisans de QS transféreraient avec enthousiasme leurs voix au PQ? Pas évident. Parce que l'attrait de ce petit parti est justement de ne pas être un vieux parti. Parce qu'il attire plus pour son projet de gauche que pour son appui à la souveraineté. Les appuis de QS sont en outre fragiles, comme le montre leur baisse dans les sondages depuis l'arrivée de la CAQ.

Quant aux gens qui ont voté pour le PQ de René Lévesque ou de Lucien Bouchard, vont-ils accepter de voter pour un militant anticapitaliste? Dans bien des cas, ce sera une bonne raison pour choisir François Legault.