Dans une intervention remarquée lors d'un colloque aux HEC sur le développement minier, l'ex-premier ministre du Québec, Jacques Parizeau, a redonné de la vigueur au questionnement de bien des Québécois qui se demandent si nous en aurons pour notre argent.

L'intervention de M. Parizeau était nuancée et dénuée d'un esprit partisan. L'ancien chef du PQ nous a habitués depuis quelques années à des sorties intempestives dans les débats internes du parti qu'il a dirigé. C'est l'autre Jacques Parizeau qui s'exprimait lundi, l'elder statesman, avec son expérience d'économiste et de grand commis de l'État.

M. Parizeau a ainsi salué les efforts du ministre Raymond Bachand pour redresser les redevances minières. Il n'a pas davantage dénoncé le Plan Nord du gouvernement Charest. Inquiet du fait que l'État injecte trop de fonds publics en infrastructures et n'exige pas un effort suffisant des grandes minières, il a plutôt proposé que Québec prenne des participations dans les projets, ce qu'il décrit comme une amélioration du Plan Nord.

Ces critiques ne sont quand même pas neutres, elles s'inscrivent dans une philosophie du développement qui a toujours été la sienne, plus interventionniste, qui n'a pas toujours donné de bons résultats. Mais les questions qu'il pose se rangent certainement dans la catégorie des critiques constructives.

Cette intervention a déjà eu un effet, en forçant les membres du gouvernement Charest à mieux préciser certains aspects du Plan Nord et dissiper quelques-unes des inquiétudes exprimées par M. Parizeau. Mais cela devra aller plus loin. Le Plan Nord, pour l'instant, est davantage un concept qu'un plan détaillé. Il y manque bien des détails, il contient bien des zones grises, et ce genre de débat contribuera à le raffiner.

Mais si l'intervention de M. Parizeau était nuancée, elle s'ajoute à d'autres critiques, qui viennent de tous les bords, et qui constituent un véritable tir groupé contre le Plan Nord et le développement minier en général. Ces critiques, comme l'illustre bien le film de Richard Desjardins, Trou Story, expriment certainement le malaise que ressentent nombre de Québécois envers le développement minier, qu'ils associent à l'exploitation et à la dépendance économique. Un malaise auquel s'ajoutent maintenant les préoccupations environnementales.

Le gouvernement doit évidemment être à l'écoute de tout cela. Mais il y a un équilibre à atteindre. Car si le premier ministre Jean Charest ne fait pas preuve de l'entêtement dont il est capable pour affronter les groupes de pression qui s'opposent à son projet, il est assez clair que le développement minier du Québec n'aura tout simplement pas lieu. Pas plus que le développement du pétrole et du gaz.

Sans créer de consensus factice, on pourrait à tout le moins développer une base factuelle plus solide. Ça nous aiderait à mieux circonscrire le débat. On éviterait peut-être des choses comme les références surréalistes au modèle norvégien.

La Norvège s'est trouvée assise sur des réserves colossales de pétrole et de gaz. Ce pays est le deuxième exportateur mondial de gaz, le sixième de pétrole. Un pétrole de grande qualité, aux coûts d'exploitation assez bas. Un véritable pactole, qui a procuré des profits immenses, qui se comptent en centaines de milliards. Ce modèle - une sorte de loto planétaire - ne s'applique pas à nos projets miniers, cycliques, risqués, beaucoup moins rentables, et dont le poids restera mineur dans l'économie québécoise. Il y a des scheiks du pétrole. Mais pas du fer ou du cuivre!

Le gouvernement Charest, qui n'a plus la crédibilité dont il a besoin, depuis les cafouillages du gaz de schiste, s'aiderait lui-même s'il confiait, comme le proposait mon collègue André Pratte, la réflexion sur la fiscalité et les modèles de partage de risque à un groupe de travail indépendant composé d'experts. Cela faciliterait les choses.