La vague Occupy Wall Street a frappé le Canada et le Québec. On en fait vraiment trop, car il n'est pas du tout évident que ce mouvement de révolte, informe et hétérogène, puisse aller bien loin. Mais cela n'empêche pas ces jeunes militants en colère de jouer un rôle utile, en réussissant à provoquer un débat nécessaire.

La crise financière qui a éclaté en 2008 et dont nous sentons toujours les effets est le résultat des dérives d'un capitalisme déréglé. La colère qui s'exprime, ici et ailleurs, contre ce monde financier, est tout à fait justifiée. Mais ce n'est pas parce qu'un mouvement pose les bonnes questions qu'il propose les bonnes réponses.

Surtout que ce phénomène, quand on le regarde avec un minimum de recul critique, reste marginal. On a fait grand cas du fait que ce mouvement, enfant des médias sociaux, se répande sur la planète entière. C'est vrai. Ça n'a rien d'impressionnant. Tout est devenu global, du lancement de l'iPhone 4S à une tournée de U2, et parce qu'un des sous-produits de cette culture de communication instantanée est le gonflement médiatique.

Le mouvement est peut-être global, mais les colères qui s'expriment sont très locales et donc hétérogènes: en Espagne, des politiques d'austérité brutales et un taux de chômage de 21,2%, aux États-Unis, une crise où des millions de citoyens ont perdu leur emploi ou leur maison.

Mais ici? Dans ce pays largement épargné par les excès de la crise, ce mouvement a regroupé à peine quelques centaines de jeunes à Montréal, le week-end où le stade Percival-Molson était plein pour les Alouettes et où des milliers de coureurs s'étaient rassemblés pour la classique du parc La Fontaine.

On a même fait un lien entre ce mouvement des grandes villes occidentales et le printemps arabe. C'est gênant. On compare des citoyens qui ont risqué leur vie pour renverser des dictatures à du camping bon enfant dont le seul ennemi est la froidure du vent d'automne.

Mais derrière tout ça, il y a un message. D'abord contre le monde financier. Il est vrai que la crise a été provoquée par la croissance du secteur financier par rapport à l'économie réelle, et par les excès de certaines institutions qui ont profité de la déréglementation pour nous entraîner dans la débâcle. Et ce monde financier, sauvé des eaux par les fonds publics, surtout aux États-Unis, résiste à des réformes souhaitables et étale maintenant une richesse, en salaires et en profits, qui indigne ceux qui souffrent encore de la crise.

C'est cette richesse du monde financier qui a contribué à provoquer l'autre objet de colère, l'inégalité des revenus. Car ce n'est pas un phénomène nouveau, même au Canada. Depuis 20 ans, la croissance de l'inégalité a été plus forte au Canada qu'aux États-Unis, tant et si bien que le Canada a cessé d'être un pays à faible inégalité, comme les pays scandinaves. Les pauvres ne sont pas plus pauvres. Les classes moyennes ont vu leurs revenus augmenter, mais de façon très modeste. Mais ce sont les plus riches qui se sont le plus enrichis, les 20% les plus fortunés, mais encore les « super-riches », le 1% du haut de l'échelle.

Le troisième enjeu, omniprésent, qui s'exprime ici dans les débats sur le Plan Nord ou le gaz de schiste, porte sur la notion de progrès: comment concilier la croissance économique, la qualité de vie, le respect de l'environnement.

Des questions simples - sur une réglementation équilibrée des secteurs financiers, la fiscalité et la répartition de la richesse, le développement durable - mais des réponses qui ne le sont pas, et qu'on ne trouvera pas au square Victoria.