Le Cirque du Soleil a lancé tellement de spectacles au fil des ans - 20 de ses productions roulent actuellement dans le monde - qu'un nouveau venu attire sans doute moins l'attention qu'auparavant.

Le Cirque du Soleil a lancé tellement de spectacles au fil des ans - 20 de ses productions roulent actuellement dans le monde - qu'un nouveau venu attire sans doute moins l'attention qu'auparavant.

Le lancement de sa toute dernière production, Zarkana, à New York, mérite quand même qu'on s'y arrête. J'étais à la première de ce spectacle que son créateur, le cinéaste François Girard, décrit comme un «opéra-rock acrobatique». Le show occupera pour plusieurs étés le Radio City Music Hall, le plus grand théâtre au monde, avec ses 6000 places, et certainement la salle de spectacle mythique de la métropole américaine.

Encore un «French Canadian», comme l'écrit le New York Times, qui s'affirme à New York. Après Robert Lepage qui s'est distingué avec sa mise en scène de La Walkyrie au Metropolitan Opera de New York.

Par un pur hasard, j'étais à Las Vegas quelques semaines plus tôt pour voir quelques productions du Cirque du Soleil et le nouveau spectacle de Céline Dion, et découvrir du même coup le poids des créations québécoises dans la capitale du jeu et leur influence sur l'évolution de cette ville.

Ces succès, considérables, ont alimenté chez moi trois pistes de réflexion. La première sur l'importance de la culture dans nos questionnements identitaires. Les Québécois inquiets de la pérennité de la nation québécoise abordent d'habitude la question en termes linguistiques quantitatifs. Recul ou non du français, proportion de la population par groupes linguistiques, projections à long terme.

Les succès des créateurs québécois hors de nos frontières permettent de déplacer le débat, et de le poser en termes qualitatifs. Ces succès sont une source de fierté, ils insufflent de la confiance, ils nous aident à nos définir, à nos yeux et à ceux des autres. Une culture qui s'exporte, qui s'impose et qui s'affirme est une culture de nation forte. Et les nations fortes ne sont pas menacées.

Ces succès mettent également en relief l'apport économique considérable de la culture. Quand les produits culturels percent à l'étranger, le Québec se trouve à exporter des services. Dans le cas de Zarkana, François Girard était entouré d'une équipe de créateurs, de spécialistes, de techniciens dont un grand nombre étaient des Québécois. Cela se traduit en revenus, en emplois, mais aussi par le  développement d'un savoir-faire.

En ce sens, les activités culturelles sont extrêmement structurantes. On le voit aussi à Montréal, par exemple avec le Festival de jazz, qui se terminait lundi soir, qui contribue à faire de Montréal un pôle culturel. Je ne peux pas en faire la démonstration mathématique, mais mon pif d'économiste me dit que même si les festivals montréalais rapportent moins de recettes touristiques et fiscales que le Grand Prix de Montréal, leurs retombées véritables - emploi, création de valeur ajoutée, impact sur la productivité, effets sur la dynamique de développement de la métropole - sont plus importantes.

Ma troisième réflexion a été suscitée par un moment télévisuel franchement nauséabond. Une entrevue de la chorégraphe montréalaise Margie Gillis à la chaîne de droite Sun News, où l'animatrice-choc Krista Erickson s'est lancée dans une charge d'une rare bêtise contre les subventions que reçoit l'artiste.

L'exemple du Cirque est là pour nous rappeler que les subventions à la culture peuvent être un levier aux bénéfices significatifs. Sans aide gouvernementale à ses débuts, le Cirque du Soleil n'aurait sans doute pas pu décoller. On a vu les résultats: un véritable empire dont le fondateur, Guy Laliberté, est un remarquable bâtisseur. Sans subventions, Robert Lepage ne rayonnerait pas partout dans le monde. Sans subventions, François Girard n'aurait pas eu la carrière cinématographique qui l'a mené à la conception de Zarkana.