Les travaux du conseil général de l'ADQ cette fin de semaine ont été fortement colorés par les rumeurs sur un rapprochement entre le parti et la Coalition pour l'avenir du Québec, le groupe de réflexion de François Legault.

Il est assez évident que ce processus a été nourri par les résultats de la campagne électorale fédérale, dont les revirements spectaculaires sont en train d'avoir un effet ping-pong sur la vie politique québécoise. Les élections fédérales nous ont en effet appris quatre choses.

La première, c'est qu'en politique, tout est possible, même ce qui semble hautement improbable. L'effondrement du Bloc québécois, le bond du NPD au Québec, le fait que le Parti libéral soit relégué au statut de tiers parti étaient des scénarios fantaisistes il y a à peine un mois.

La deuxième, c'est la vertu des fusions. Ce qui a transformé la politique fédérale, c'est la création d'une force de droite née de la réunion du Parti progressiste-conservateur et de l'Alliance canadienne qui a su profiter de la division des forces de centre gauche.

La troisième, c'est la soif de changement d'un électorat qui n'a plus confiance dans ses élites politiques, qui est par conséquent moins fidèle et qui est donc capable de bascules brutales.

La quatrième, c'est le désir généralisé des Québécois de s'extraire du débat constitutionnel. Cela se manifeste par une absence de confiance envers les partis qui incarnent le pouvoir fédéral, le PCC et le PLC, mais surtout par la débâcle bloquiste qui reflète un désir assez généralisé de ne pas vouloir entendre même parler de souveraineté.

Appliquons maintenant ces enseignements au contexte de la politique québécoise. Le gouvernement libéral est usé. L'opposition péquiste domine dans les sondages, mais ne réussit pas à susciter d'élan. Il y a certainement un espace riche en potentiel pour une troisième force qui pourrait profiter des faiblesses des deux grands partis et bousculer le statu quo politique, si elle joue bien ses cartes.

Et si on veut caractériser les éléments qui pourraient porter cette troisième force, on peut sans doute identifier trois ingrédients. Une rupture avec le consensus traditionnel sur l'État, le syndicalisme, la fiscalité, et donc un discours à droite du centre. Un nationalisme autonomiste, mais sans accents belliqueux. Une capacité de répondre à la soif de changement et à la recherche de la nouveauté.

Deux courants occupent cet espace politique, l'ADQ et le mouvement de François Legault. Ces deux forces, si elles restent chacune de leur côté, n'arriveront à rien, non seulement parce qu'elles diviseraient le bassin potentiel de leurs appuis, mais parce qu'elles ont chacune des lacunes que l'autre peut combler.

François Legault a obtenu un énorme succès dans les sondages dès qu'il a amorcé sa démarche. Mais il lui manque quelque chose d'essentiel, une organisation. La création d'un parti exige des efforts colossaux et prend des années. Il a besoin d'un appareil.

L'ADQ, de son côté, est assez bien enracinée, a maintenant une histoire, et incarnait le changement il n'y a pas si longtemps. Mais c'est un parti qui a déçu et qui ne parvient pas à redécoller. L'ADQ a besoin de l'expérience de gouvernement et de la notoriété de François Legault.

Il existe d'autres éléments de complémentarité, comme la rencontre d'un courant urbain avec une tradition plus régionale, une dynamique qui mettrait l'accent sur une droite fiscale plutôt que sur une droite sociale qui effarouche les Québécois comme on l'a vu avec les déboires des conservateurs au Québec.

Cette fusion est-elle possible? Les obstacles sont nombreux, parce qu'il faut tenir compte des ego, des cheminements politiques de chacun, des différences entre les programmes. Mais il y a certainement un alignement des astres.