Plus la campagne avance, plus il devient possible que les élections nous mènent vers un autre gouvernement conservateur minoritaire, parce que Stephen Harper ne semble pas capable de convaincre les Canadiens de lui donner la majorité qu'il souhaite et que Michael Ignatieff n'a pas réussi à remonter la pente.

Plus la campagne avance, plus il devient possible que les élections nous mènent vers un autre gouvernement conservateur minoritaire, parce que Stephen Harper ne semble pas capable de convaincre les Canadiens de lui donner la majorité qu'il souhaite et que Michael Ignatieff n'a pas réussi à remonter la pente.

Le chef libéral s'est laissé entraîner à spéculer sur ce scénario dans une entrevue à CBC où il n'a pas exclu la possibilité de former un gouvernement si la Chambre des communes n'accorde plus sa confiance aux conservateurs nouvellement réélus. Il n'en fallait pas plus pour que Stephen Harper ne ressorte son épouvantail de la coalition PLC-NPD-BQ, même si son adversaire a exclu formellement cette éventualité.

Le débat sur la coalition est un faux débat. Mais la façon dont fonctionnera le prochain parlement constitue un enjeu réel. Quelle serait la légitimité d'un gouvernement minoritaire qui ressemblerait pas mal au précédent, quelle serait la nature de son mandat, comment devraient se comporter les partis de l'opposition?

Nos traditions parlementaires veulent que le parti ayant remporté le plus de sièges forme le gouvernement. Tout le monde s'entend là-dessus. Mais qu'est-ce qui arrive s'il n'est pas appuyé? M. Ignatieff a répondu à cette question, en bon professeur. Je cite son intervention au long, pour ne pas déformer ses propos.

«Si M. Harper gagne le plus grand nombre de sièges et forme le gouvernement, mais n'obtient pas la confiance de la Chambre (...), alors ça revient au gouverneur général. C'est ce qui arrive. C'est comme ça que les règles fonctionnent... Alors, si le gouverneur veut demander aux autres partis ou à moi, par exemple, de tenter de former le gouvernement, alors nous tenterons de former le gouvernement.»

Il y a du non-dit dans cette analyse. Si les conservateurs n'obtiennent pas la «confiance de la Chambre», ce sera parce que les trois partis de l'opposition, et particulièrement les libéraux, auront choisi de renverser le gouvernement, en votant contre une initiative importante, comme le discours du Trône ou le budget.

De façon plus concrète, cela risque de se jouer autour du dernier budget Flaherty. Les conservateurs ont promis de représenter tel quel et les trois autres partis, qui s'y étaient opposés en mars, promettent de le rejeter à nouveau.

Le débat est là. Serait-il acceptable que les partis de l'opposition, et plus particulièrement l'opposition officielle, renversent un éventuel gouvernement conservateur au lendemain de sa victoire? Les citoyens ne le toléreraient pas. Et quelqu'un doit mettre de l'eau dans son vin.

Dans l'hypothèse, plausible, que les scores ressemblent à ceux de l'élection précédente, en toute logique, ce devrait être les partis de l'opposition. Parce que leur décision de renverser les conservateurs n'aura pas suscité d'élan, parce que les conservateurs détiendront un mandat similaire à celui de 2008.

Mais aussi parce que ce troisième budget n'est pas sensiblement différent que les deux précédents, que les libéraux ont appuyés. Et s'ils n'ont pas appuyé celui-ci, c'est bien plus pour des calculs tactiques que pour des considérations philosophiques. Il est certes médiocre et sans vision, mais il ne contient pas d'éléments inacceptables qui forceraient les libéraux de provoquer une crise en le rejetant.

Si les conservateurs n'abusent pas de leur pouvoir, il sera difficile pour les partis de l'opposition, et particulièrement pour l'opposition officielle libérale, de justifier des gestes qui contribueraient à renverser rapidement le gouvernement.

En évoquant cette hypothèse, le chef libéral a donné sur un plateau d'argent des munitions à Stephen Harper pour continuer à évoquer des perspectives de chaos et pour convaincre des électeurs de doter le Canada d'un gouvernement majoritaire.