À Ottawa, dans un climat de fébrilité préélectorale, le premier ministre Harper veut occuper le terrain de l'économie en parlant de jobs. À Québec, l'opposition péquiste a lancé les hostilités économiques à l'Assemblée nationale en contestant les chiffres de création d'emplois utilisés par les libéraux.

À Ottawa, dans un climat de fébrilité préélectorale, le premier ministre Harper veut occuper le terrain de l'économie en parlant de jobs. À Québec, l'opposition péquiste a lancé les hostilités économiques à l'Assemblée nationale en contestant les chiffres de création d'emplois utilisés par les libéraux.

Quand les politiciens vont-ils décrocher? Quand vont-ils arrêter de promettre des emplois ou d'annoncer fièrement la création d'emplois, comme dans les années 60? Voilà une obsession dont il faut s'affranchir. Le manque d'emplois n'est pas le grand problème de notre économie, et ce n'est pas de cela que les politiciens devraient se préoccuper.

Ça peut paraître insensible de dire cela au sortir d'une sérieuse récession. Mais on peut bien voir que le Québec se retrouvait, en janvier, avec 63 200 emplois de plus qu'avant le déclenchement de la crise, en octobre 2008. Et que le taux de chômage, à 7,9%, n'est pas si loin des 7% d'avant la crise. Le Canada dans son ensemble a aussi récupéré les emplois perdus, quoique certaines provinces, comme l'Ontario, sont encore légèrement en déficit. La situation n'est pas parfaite, mais elle ne justifie pas un sentiment d'urgence comme celui que l'on retrouve aux États-Unis.

Nos problèmes sont d'un tout autre ordre. Le premier, c'est une pénurie de main-d'oeuvre, déjà mesurable dans certaines régions, dans bien des industries, dans plusieurs métiers, qui sera amplifiée dans les années à venir par les effets du ralentissement démographique. Notre défi n'est pas de créer des emplois, mais de trouver des gens pour combler les besoins du marché du travail.

Nos besoins, ce ne sont pas des programmes pour subventionner la création d'emplois, ou des travaux publics pour en créer, mais plutôt des efforts considérables de scolarisation, de lutte contre le décrochage, de formation, de développement des compétences. Cette approche est également celle qui donnera les meilleurs résultats là où le chômage est trop élevé.

L'autre grand problème, plus sérieux encore, c'est celui de la compétitivité, de la croissance trop lente de la productivité, qui frappe tout autant le reste du Canada que le Québec. L'enjeu est à ce point sérieux que la Banque du Canada multiplie les interventions à ce sujet. Sortant de sa réserve proverbiale, son gouverneur, Mark Carney, a même parlé de résultats désastreux.

Un signe de cette érosion, c'est le fait que le Canada ait été délogé de son statut de premier exportateur vers les États-Unis. En 10 ans, la part du Canada dans ce qu'importent les États-Unis est passée de 20% à 14%, tandis que celle de la Chine est passée de 8% à 19%, ce qui lui a permis de nous ravir le premier rang. Pourquoi? Parce que, depuis 2005, nos coûts de main-d'oeuvre ont augmenté de 31 % par rapport à ceux des États-Unis.

Les deux tiers de cette hausse s'expliquent par l'augmentation de la valeur du dollar canadien. Dans un premier temps, cette réévaluation, qui privait nos entreprises exportatrices d'un avantage artificiel et illusoire, reposait sur une base objective. Mais le fait que notre dollar soit maintenant à parité, qu'il soit soumis à des fluctuations brutales et imprévisibles, liées aux prix des ressources naturelles, représente un problème sérieux.

L'autre tiers de l'écart des trous tient à la croissance plus lente de la productivité canadienne. Comment peut-on corriger cela? En favorisant l'investissement, surtout dans les nouvelles technologies, en stimulant la recherche et le développement, en investissant, massivement, en éducation.

Et c'est là-dessus que doit porter le débat politique. Même si c'est plus compliqué, que c'est parfois rébarbatif - comme tout ce qui touche à la productivité -, que les horizons sont lointains. Même si c'est moins payant, en termes électoraux, que les promesses d'emplois.