La commission Bastarache sur le processus de nomination des juges n'est pas née dans les meilleures circonstances. Elle a été déclenchée dans la précipitation par le premier ministre Jean Charest, pour des raisons qui tenaient plus du calcul partisan que d'un souci pour l'administration de la justice. Ses travaux se sont déroulés dans un climat politique particulièrement agressif.

La commission Bastarache sur le processus de nomination des juges n'est pas née dans les meilleures circonstances. Elle a été déclenchée dans la précipitation par le premier ministre Jean Charest, pour des raisons qui tenaient plus du calcul partisan que d'un souci pour l'administration de la justice. Ses travaux se sont déroulés dans un climat politique particulièrement agressif.

La tenue de cette commission et le rapport de son président sont-ils pour autant inutiles? Certainement pas. Dans une période où règnent désillusion et cynisme, les accusations de l'ancien ministre de la Justice Marc Bellemare sur le trafic d'influence dans la nomination des juges menaçaient une institution dont la légitimité repose sur la confiance.

Par ailleurs, les audiences de cette commission ont montré qu'il y avait assez de flottement dans la sélection des juges, notamment sous l'administration libérale, pour justifier le fait que l'on se penche sur la façon dont ceux-ci sont nommés, ce qui était le deuxième volet du mandat de la commission.

Mais pour bien apprécier le rapport rendu public hier par M. Bastarache, il va falloir changer de vitesse. Jusqu'ici, tout ce débat s'est déroulé dans une atmosphère de cirque, d'abord en raison du style du principal protagoniste, Marc Bellemare, mais aussi en raison du climat intensément politique qui a coloré le dossier. Le rapport, lui, n'est pas politique. Il est juridique, extrêmement sobre, méticuleux, jusqu'à en être fastidieux. Et il exige d'être interprété avec retenue.

Passons rapidement sur le premier volet du rapport, les allégations de Marc Bellemare, dont le témoignage est carrément mis en pièces par le commissaire. Le commissaire Bastarache conclut que le ministre Bellemare n'a pas subi de pressions colossales. Point. Bien des gens, avides de théories de complot, continueront à croire Me Bellemare. En ce sens, le mal est fait. Mais les conclusions du rapport sont assez claires pour que l'on ferme cette parenthèse.

L'autre partie du rapport, même si elle est moins anecdotique et moins croustillante, sera plus utile pour la suite des choses. En substance, le commissaire Bastarache dit que la compétence et la légitimité des juges ne sont pas en cause, que le processus sélectionne des juges compétents. Mais il ajoute, ce qui n'est pas contradictoire, qu'il y a du mou, une absence de critères rigoureux, une porosité du système qui pourrait le rendre vulnérable à des influences, et surtout qui ne contribue pas à inspirer pleinement confiance. Ce qu'il décrit poliment en disant que le système n'a pas évolué au même rythme que les exigences de la population.

M. Bastarache y va donc d'une série de recommandations, qui ne bouleversent pas le processus, mais qui l'encadrent et le raffinent. Il recommande la création de mécanismes beaucoup plus formels, un comité de sélection élargi et permanent, un secrétariat chargé de coordonner le processus, une formalisation des critères de sélection, un encadrement de la façon dont le ministre de la Justice effectue ses consultations, et surtout, plus de transparence.

Si l'on veut que l'exercice soit pleinement utile, la balle est maintenant dans le camp du monde politique. Il faudrait que l'opposition, notamment péquiste, fasse preuve de retenue pour que des débats trop partisans n'aient pas pour effet de nourrir le cynisme envers la magistrature.

Mais surtout, c'est au gouvernement libéral de passer à l'action. D'abord en donnant rapidement suite aux recommandations du commissaire Bastarache. C'est ce que le premier ministre et son ministre de la Justice Jean-Marc Fournier semblent vouloir faire. Ensuite, M. Charest devrait abandonner sa poursuite contre Marc Bellemare, parce que l'animosité personnelle qui s'exprime ainsi n'est pas compatible avec l'exercice de sa fonction.