La pétition pour réclamer la démission de Jean Charest me laisse très perplexe. Sur papier, ça a l'air simple. On est très tannés du premier ministre, on ne l'aime plus? Pas de problème, on le flushe! On pèse sur le piton, on le met dehors, et on en prend un autre!

La pétition pour réclamer la démission de Jean Charest me laisse très perplexe. Sur papier, ça a l'air simple. On est très tannés du premier ministre, on ne l'aime plus? Pas de problème, on le flushe! On pèse sur le piton, on le met dehors, et on en prend un autre!

 

La démarche peut avoir l'air attrayante, une belle expression de la démocratie directe, un grand symbole de l'implication citoyenne. Mais dans les faits, c'est une dérive dont il faut se méfier. Une façon de régler les problèmes politiques qui mènerait tout droit au chaos.

Les mouvements de colère populistes sont dangereux, autant quand ils sont de droite, comme le Tea Party, ou de gauche, comme ce Mouvement national des citoyens du Québec, à l'origine de cette pétition.

Il est vrai que cette pétition formelle sur le site de l'Assemblée nationale comporte un message qui doit être entendu. Elle illustre le fait que le premier ministre Charest et son gouvernement sont très impopulaires. Mais ça, on le savait déjà. Les sondages mesurent plus précisément le taux d'insatisfaction qu'une action ponctuelle. Notre dernier La Presse indiquait qu'à peine 20% des répondants étaient satisfaits du gouvernement Charest, un record.

En soi, il n'est pas étonnant que bien du monde veuille la démission de Jean Charest. Si, en décembre 2008, 1 366 046 Québécois ont voté pour les libéraux, 1 880 287 personnes ont choisi un autre parti. Des milliers et des milliers de personnes auraient probablement souhaité sa démission le jour même de sa victoire.

Ce qui est dangereux dans cette approche, c'est qu'elle est l'incarnation de la culture politique de l'immédiat. M. Charest est très impopulaire? Ça lui est déjà arrivé. En mai 2005, à peine 20% des gens étaient satisfaits de son gouvernement, comme maintenant. Aurait-il fallu le chasser ? En août 2006, son taux de popularité était remonté à 40%, en février 2008, à 50%, en septembre 2008, à 61%. On oublie aussi qu'il y a trois mois à peine, le même homme jouissait d'un taux de satisfaction de 51%.

C'est entre autres pour tenir compte de ces inévitables cycles que notre système politique confie aux élus un mandat qui dure plusieurs années et qui leur permet de prendre des décisions impopulaires. On ne chasse pas les politiciens sur la foi d'une réaction épidermique. On les bat aux prochaines élections.

Certains systèmes politiques prévoient des mécanismes pour remercier les politiciens en cours de mandat, surtout là où règne le populisme de droite. La Californie, par exemple, a un système de rappel de ses gouverneurs et de référendums contraignants. Le résultat, un État ingérable. Les États-Unis ont aussi un processus d'impeachement de leur président, une procédure réservée à des motifs très sérieux.

Ce qui me ramène à la pétition. Les trois choses que l'on invoque pour réclamer la démission de M. Charest, ce sont les mesures d'austérité de son budget, le refus d'imposer un moratoire sur le développement des gaz de schiste et le refus de tenir une commission d'enquête sur la construction. On peut être en désaccord avec ces choix, mais on peut difficilement les décrire comme des manquements graves à la fonction de premier ministre, ou à des virages imprévisibles pour lesquels le gouvernement libéral ne disposait pas de mandat.

Le vrai enjeu, ce n'est pas que M. Charest soit impopulaire maintenant. Ça arrive. Mais qu'il soit incapable de renverser la vapeur. Si l'impopularité persiste, elle prive le gouvernement de la légitimité et du lien de confiance dont il a besoin pour bien gouverner. On n'en est pas encore là. Mais il faudra un coup de barre.