Le député péquiste Pierre Curzi, qui n'est pas connu pour sa propension à tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler, a affirmé, lorsqu'il s'épanchait imprudemment aux Francs-Tireurs, que ce n'était «pas un hasard» s'il y avait si peu de joueurs francophones au sein du Canadien.

Le député péquiste Pierre Curzi, qui n'est pas connu pour sa propension à tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler, a affirmé, lorsqu'il s'épanchait imprudemment aux Francs-Tireurs, que ce n'était «pas un hasard» s'il y avait si peu de joueurs francophones au sein du Canadien.

Interrogée sur les propos de son incontrôlable lieutenant, la chef du Parti québécois, Pauline Marois, n'est pas allée jusqu'à endosser sa thèse du complot, mais elle a néanmoins affirmé que cela «sert davantage au fédéralisme que, à mon avis, à la défense de nos intérêts et, entre autres, de notre réalité de francophones d'Amérique».

Je ne suis pas un expert en hockey, ni un grand amateur. Mais on peut dire que, d'une certaine façon, je suis un expert en fédéralisme. Ceux qui me lisent savent pourquoi! Et c'est étonnant, fascinant même, de voir à quel point la leader péquiste est à côté de la plaque.

Au point de départ, le fait qu'on n'ait même pas besoin des doigts d'une seule main pour compter le nombre de francophones dans l'équipe est une aberration. Que l'on n'ait pas fait les efforts pour corriger cette anomalie, quand on connaît l'histoire du club et la composition démographique de son marché - la région montréalaise et le Québec - est un signe éclatant de l'absence de finesse et d'intelligence de la direction du Canadien. C'est extrêmement irritant pour les partisans et c'est de la très mauvaise «business». Surtout quand on voit tous les joueurs qui parlent français chez les Alouettes ou l'Impact.

Mais est-il possible que les stratèges du Canadien aient fait ce sacrifice commercial, comme le suggère Mme Marois, pour servir la cause du Canada? On voit mal comment. S'il y avait un complot fédéraliste intelligent, ce serait au contraire de gonfler les rangs du Canadien de francophones. Soit par cynisme, pour fournir au nationalisme québécois un canal d'expression sans risques et conséquences. Soit par prudence, pour éliminer les irritants qui peuvent exacerber le sentiment d'aliénation des francophones. Les sorties de M. Curzi et de Mme Marois montrent bien d'ailleurs à qui profite la chose.

Mais au-delà de cette chicane, il y a quelque chose d'incroyablement simpliste dans l'analyse politique de Mme Marois. D'abord, évidemment, cette idée implicite que, par définition, les fédéralistes combattent les intérêts des francophones. Une caricature qui sert le discours d'un parti qui voudrait montrer qu'il détient le monopole de la défense des francophones d'Amérique.

Mais derrière, il y a quelque chose de plus significatif, et c'est l'incompréhension profonde de ce que sont les fédéralistes québécois. Ce sont des gens que Mme Marois devrait apprendre à connaître puisque, au dernier compte, 60% des Québécois font partie ce groupe. Comme, pour faire des progrès, le PQ devra convaincre certains d'entre eux, la moindre des choses est d'essayer de les comprendre.

Cette lecture manichéenne de la réalité québécoise repose aussi sur une très mauvaise lecture de ce qu'est le nationalisme québécois. Dans l'analyse de bien des souverainistes, en tout nationaliste sommeille un indépendantiste qui s'ignore et dont il suffit de réveiller l'ardeur.

Or, depuis des décennies, on a pu observer une grande convergence au Québec sur les questions identitaires, tant et si bien que, sur l'existence de la nation, sur le sentiment national, il y a peu de différences entre fédéralistes et souverainistes. L'insensibilité des dirigeants du Canadien ressemble à du fédéralisme étroit des années 60. Mais aujourd'hui, ce qui est bien plus typique, c'est quelqu'un comme le député et ex-ministre libéral fédéral Denis Coderre qui, sur les questions identitaires, ne se comporte pas différemment d'un député bloquiste.

Il y a une autre erreur d'appréciation dans l'analyse de Mme Marois, et c'est de tout décoder en fonction du débat constitutionnel. La grande majorité des Québécois ne partagent pas cette obsession. Le matin, ce n'est pas un souverainiste ou un fédéraliste qu'ils voient dans leur miroir quand ils se maquillent ou qu'ils se rasent.