Pour calmer les inquiétudes et mettre un peu d'ordre dans une industrie qui semble un peu anarchique, le gouvernement du Québec a annoncé hier qu'il confierait au Bureau d'audiences publiques en environnement le mandat de se pencher sur l'industrie du gaz de schiste.

C'est exactement ce qu'il fallait faire. L'extraction du gaz de schiste, enfermé dans des roches, constitue une technologie relativement nouvelle. L'exploitation du gaz est aussi une chose nouvelle pour le Québec, et celle de ce gaz a des effets environnementaux qu'on connaît mal ici. Elle affecte également les milieux de vie. Il est assez logique de vouloir en savoir plus, et de vouloir définir un cadre. Pour toutes ces raisons, il fallait que le gouvernement intervienne. Il aurait même dû bouger avant.

Au plan économique pur, le fait qu'il y ait au Québec des réserves de gaz potentiellement exploitables est une excellente nouvelle. Qui ne veut pas avoir des hydrocarbures sur son territoire? Une ressource précieuse, une industrie payante, qui crée des emplois, dont le produit est en demande, et qui permettrait au Québec de produire ici une ressource qu'elle doit acheter à l'extérieur à coups de milliards. C'est une occasion en or.

Sauf que la logique économique pure ne suffit pas. L'exploitation d'une telle ressource a des impacts environnementaux et des coûts pour la collectivité qu'il faut intégrer à la réflexion avant de rêver aux milliards. C'est l'essence du développement durable. Et c'est le rôle d'un organisme comme le BAPE de trouver le juste équilibre.

Dans le cas du gaz de schiste, par exemple, il faut mesurer des paramètres comme l'utilisation de l'eau, les effets sur la nappe phréatique, la sécurité. Il faut aussi réfléchir à la façon dont doit s'échelonner sur le temps l'exploitation d'une ressource non renouvelable. Et surtout, il faut tenir compte que cette activité se déroule près des lieux de vie. On a vu, avec les éoliennes et l'uranium, qu'on est mal équipé pour gérer cette coexistence. Les travaux d'exploration pour ce gaz, près des villages et des fermes des basses terres du Saint-Laurent, ont perturbé et inquiété bien du monde. Et il n'est pas évident que l'industrie a fait preuve de la sensibilité nécessaire.

En toute logique, dans un monde normal, le fait qu'un organisme quasi judiciaire comme le BAPE se penche sur la question, donne l'heure juste et ne donne son feu vert que si toutes les assurances sont là, et le fait que le gouvernement veuille encadrer le secteur des hydrocarbures par une loi, devraient rassurer tout le monde. Mais qui a dit que le Québec était un endroit normal?

D'abord, le BAPE n'inspire plus confiance aux plus militants depuis que certaines de ses décisions leur ont déplu. Ensuite, les ministres Nathalie Normandeau et Pierre Arcand n'ont pas prononcé le mot magique: moratoire. Ils ont bien fait, car moratoire, dans la bouche de ceux qui le réclament, veut le plus souvent dire interdiction permanente.

Il y a enfin beaucoup de non-dits dans ce débat. Par exemple, le fait que plusieurs organismes s'opposent au gaz tout court et n'acceptent pas que cette source d'énergie, bien utilisée, ait sa place et puisse même soutenir les efforts de réduction des GES. D'autres rêvent que cette production soit nationalisée, comme l'électricité, ce qui reviendrait à plaquer au gaz un modèle d'il y a 50 ans conçu pour une tout autre industrie.

Tout cela va faire en sorte que le débat sur les gaz de schiste sera sans doute inutilement long, compliqué, et pénible.