Le vent de panique de la semaine dernière a été chassé par un vent d'euphorie. Les bourses se sont envolées dès lundi, accueillant dans l'allégresse le plan de soutien concocté pendant le week-end par les autorités politiques et monétaires européennes pour soutenir la monnaie unique.

Est-ce que je suis étonné? Pas vraiment. Vendredi dernier, avant ce dénouement heureux, j'écrivais déjà que le pire serait évité et que, dans une semaine, on parlerait d'autre chose. C'est ce qui est en train de se produire. Est-ce que la crise est pour autant derrière nous? Non. Elle ne fait que commencer. Car tout dépend de ce qu'on entend par crise.

L'apparente contradiction tient à notre façon de traiter les enjeux économiques. On ne regarde pas les bonnes choses. On décode trop les événements économiques à travers le prisme déformant des marchés financiers, avec ses émois, ses revirements, ses mouvements spéculatifs et sa vision à courte vue. Une tendance renforcée par une culture médiatique qui se nourrit de spectaculaire. Si on oublie un peu le showbizz et qu'on prend un certain recul, on peut voir les choses d'une autre façon.

En créant un fonds de soutien de 750 milliards d'euros, l'Union européenne a envoyé le message qu'elle soutiendrait ses pays membres, et donc sa monnaie, ce qui éloigne sérieusement la possibilité que la Grèce soit incapable de rembourser sa dette et que cet effondrement ait un effet d'entraînement sur d'autres pays européens fragiles et sur l'euro.

Mais en ce faisant, l'Europe ne fait que gagner du temps. Ce à quoi elle doit maintenant s'attaquer, c'est à un long et laborieux effort de reconstruction. C'est moins spectaculaire que les mouvements en yoyo des indices boursiers, mais c'est bien plus dramatique.

Avec le recul, on peut voir ces turbulences européennes comme un contrecoup de la crise financière et de la récession mondiale, un peu comme les répliques qui suivent un tremblement de terre. Pour combattre la récession, la plupart des pays ont lancé des plans de relance, un remède efficace, mais qui comportait un effet secondaire, l'aggravation de l'endettement. Cela frappe plus particulièrement les pays déjà très fragiles, comme la Grèce, dont la dette atteint 115% du PIB, et dans une moindre mesure les pays qui ont été davantage frappés par la récession, comme l'Espagne, le Portugal ou l'Irlande.

C'est sur cette toile de fond que s'est déroulé l'épisode hellène. Un pays mal géré, qui avait falsifié ses livres, dans une impasse politique telle que des prêteurs et des agences de notation pouvaient raisonnablement craindre que le pays soit incapable de rembourser sa dette ou, à tout le moins, que le risque des prêts à ce pays augmentait. D'où la décote.

Ce qui était moins raisonnable, c'est le cercle vicieux, le fait qu'un pays dont la cote baisse a encore plus de mal à s'en sortir, que les jeux spéculatifs sur l'euro amplifient le problème et sèment le doute sur d'autres pays qui ne sont pas dans la même situation. L'intervention européenne casse cette dynamique, en réduisant le risque, et en faisant perdre de l'argent à ceux qui ont spéculé contre l'euro.

C'est maintenant que le vrai travail doit commencer. La Grèce doit faire son ménage, avec des conséquences politiques, économiques et sociales majeures pendant des années. Les autres pays fragilisés doivent accélérer leur redressement. L'Europe dans son ensemble doit resserrer les critères financiers d'adhésion à la monnaie commune.

Mais les enjeux les plus difficiles seront probablement de nature politique, et ils tournent autour des problèmes que pose une monnaie commune partagée par des pays disparates, tant par la taille, la richesse, la performance que les traditions politiques.