Au premier abord, il n'y a pas de lien apparent entre la bataille que doit mener le gouvernement Charest pour combattre les vives réactions à son budget et les allégations de l'ex-ministre Marc Bellemare sur le trafic d'influence dans le processus de nomination des juges.

Les cyniques auraient pu croire que l'impopularité prévisible du budget avait au moins l'avantage pour les libéraux de faire oublier l'autre dossier, qu'ils traînent comme un boulet, celui de l'industrie de la construction, les dépassements de coûts, la collusion, la violence, les liens avec le financement des partis politiques.

 

Eh bien! non. Les propos de M. Bellemare, malgré toutes leurs imprécisions et leurs zones grises, ramènent la construction sur le tapis. Ils viennent nourrir et amplifier la grande crise de confiance des citoyens envers le gouvernement Charest. Ce qui rend encore plus difficile sa capacité de faire accepter son budget et de mettre en oeuvre ses principaux éléments.

Un sondage Léger Marketing, publié dans Le Devoir cette semaine, a montré que le budget a fait passer le taux d'insatisfaction envers le gouvernement libéral de 70 à 77%. Une partie de cette insatisfaction peut être qualifiée de gauche, celle que l'on avait surtout entendue depuis le budget, qui reprochait le caractère régressif des mesures fiscales en santé.

Mais ce week-end, à Québec, une manifestation exprimait le ras-le-bol d'un autre courant, plus à droite, plus proche du mouvement adéquiste, de ceux qui veulent que le gouvernement fasse d'abord son ménage et sabre ses dépenses.

Ce mouvement, beaucoup plus menaçant pour le gouvernement, exprime un sentiment de révolte des contribuables, une indignation face au fait que le gouvernement fouille dans leurs poches avant d'avoir fait la preuve qu'il a tout fait pour éliminer le gaspillage. Derrière cette colère, il y a une crise de confiance majeure envers la capacité de ceux qui nous dirigent de bien contrôler la grosse machine étatique et de gérer avec respect les fonds publics qui leur sont confiés. La colère est dirigée vers le parti qui détient le pouvoir, mais la crise de confiance est certainement beaucoup plus large et vise la bureaucratie et la classe politique, du moins celle des partis traditionnels.

Le budget Bachand n'a pas réussi à restaurer cette confiance, paradoxalement parce qu'il est beaucoup moins conservateur qu'on a bien voulu le dire. Les libéraux ont voulu éviter d'y aller à la scie tronçonneuse, et ils ont proposé une hausse du fardeau fiscal pour réduire le déficit et préserver les services. Leur approche gradualiste dans les compressions est sans doute trop technocratique pour faire image. Les gestes pour illustrer leur détermination, comme le gel du salaire des politiciens ou l'élimination des bonus, étaient sans doute trop symboliques. Bref, bien des gens ne croient pas que le gouvernement «livrera la marchandise».

Que peut faire le gouvernement? Démontrer sa volonté d'agir avec plus de force. En annonçant rapidement ses projets de compressions. En s'attaquant aux scandales qui minent la confiance, à commencer par les dépassements et l'inefficacité honteuse et suspecte dans les dossiers d'informatisation.

Mais surtout, revenir à la case départ. Le gouvernement Charest ne sera pas capable de réparer cette fissure sans aller au fond des choses dans le dossier de la construction. La réponse rapide du premier ministre aux allégations de Marc Bellemare, en promettant une enquête sur la nomination des juges, ne suffira pas. Encore une fois, on esquive l'essentiel.

Une enquête sur la construction est plus nécessaire que jamais. Pour restaurer le respect des institutions. Pour redonner au gouvernement le niveau de légitimité et crédibilité dont il a absolument besoin pour gouverner.