La façon dont l'État et les syndicats du secteur public abordent leurs négociations mène à une impasse. D'un côté, le gouvernement du Québec, en pleine crise financière, n'a absolument pas les moyens d'être généreux avec ses employés. Mais de l'autre, cette austérité à répétition a un prix.

Comment valoriser la fonction publique, recruter du personnel talentueux, offrir des services de qualité et éviter les pénuries dans des secteurs névralgiques, comme la santé, si on n'offre pas des conditions attrayantes?

 

On pourrait résoudre, du moins en partie, cette apparente quadrature du cercle en pensant en dehors de la boîte, comme on le dit en anglais. En sortant du périmètre conceptuel et institutionnel que nous avons érigé depuis 40 ans dans ces grands rituels de négociation entre l'État et ses employés. Il y a plein de pistes à explorer. Si on n'a pas peur de bousculer quelques idées reçues.

Commençons par une évidence. Une des limites à la capacité de payer de l'État, c'est la taille de la fonction publique, qui gruge 55% des budgets. S'il y avait moins d'employés, on pourrait les payer plus. Dans bien des cas, ce serait possible. Mais il faudrait que les centrales arrêtent de mettre des bâtons dans les roues en se battant contre à peu près toutes les mesures qui permettraient d'alléger l'appareil d'État, de la sous-traitance aux PPP.

Poursuivons avec une autre évidence, plus délicate. Tous les employés de l'État ne sont pas égaux. Certains d'entre eux jouent un rôle essentiel, stratégique: comme les enseignants qui forment nos jeunes ou les professionnels de la santé. Dans un monde normal, quand on veut les meilleurs candidats, ou quand il y a rareté, on augmente les salaires. Le gouvernement devrait donc consentir davantage à ceux et celles qu'il valorise ou dont il a besoin. Mais pour y arriver, il faudrait sortir de la logique égalitariste et arrêter d'offrir les mêmes hausses à tout le monde, des balayeurs aux procureurs de la Couronne.

Par ailleurs, pour déterminer les rémunérations appropriées, il faudrait, en toute logique, recourir davantage aux comparaisons interprovinciales, parce que les comparaisons avec le privé ne sont pas utiles dans 80% des cas, notamment en enseignement et en santé. Ces comparaisons réservent des surprises.

Un exemple: les enseignants. Ils sont nettement moins payés ici. Moins que dans les provinces maritimes, 23% de moins qu'en Ontario, un écart bien plus important que celui des niveaux de vie. La différence s'explique largement par le ratio enseignant-élève plus faible chez nos voisins. Pas parce que leurs classes sont plus pleines, mais parce que les enseignants restent plus longtemps en classe: 740 heures par année au secondaire en Ontario, comparativement à 615 ici. Un écart de 20%...

Un autre exemple, les infirmières. Une étude de Cirano, portant sur les pénuries, montre que nos infirmières travaillent moins qu'ailleurs. Plus de temps partiel, des semaines plus courtes, des absences plus longues, ce qui peut s'expliquer en partie par l'absence d'incitatifs. L'écart de rémunération avec les autres provinces s'accroît. En outre, les infirmières québécoises sont moins bien traitées par rapport aux autres travailleurs québécois que leurs collègues des autres provinces.

Cette même étude montre également que la proportion d'infirmières qui travaillent à temps partiel parce qu'elles ne trouvent pas d'emploi à temps plein est élevée, à 15%. On manque d'infirmières, on paie des heures supplémentaires obligatoires, on fait appel au privé, et pendant ce temps, il y a plein d'infirmières qui voudraient travailler plus! Un problème d'organisation du travail et de conventions collectives lourdes.

Morale de l'histoire: si on brassait la cage, les citoyens seraient mieux servis et les employés de l'État seraient mieux traités.