Il fallait s'y attendre. Le Parti québécois a amorcé une démarche qui l'amène à radicaliser ses politiques linguistiques et à miser davantage sur les valeurs québécoises, à «hisser haut le drapeau de l'identité québécoise», comme l'a dit son chef, Pauline Marois.

Lors d'un colloque sur le développement culturel qui n'en était pas vraiment un - mais plutôt un rassemblement partisan dont les débats serviront à façonner la plate-forme du parti -, les militants du PQ ont fait progresser l'idée d'un renforcement de la loi 101, en l'étendant aux cégeps, aux garderies, aux PME. Dans la même foulée, Mme Marois a annoncé qu'elle présenterait un projet de loi qui affirmerait les valeurs québécoises.

Ce n'est pas un développement heureux. Je ne le dis pas parce que je crains une réouverture du débat linguistique qui affecterait le délicat équilibre entre anglophones et francophones. Ce n'est pas du tout de cela qu'il s'agit. En brassant la soupe identitaire, ce n'est pas des anglophones dont parle le PQ, mais des bien des allophones et des immigrants. C'est un terrain dangereux, parce qu'il peut réveiller des réflexes de repli sur soi, d'intolérance et d'exclusion qu'il est plus sage de laisser dormir.

Mais pourquoi le PQ s'aventure-t-il sur ce terrain? Pour trois raisons. D'abord, une inquiétude sincère. La bataille pour le français est l'une des raisons d'être du PQ. Pour des raisons politiques et sociologiques, les souverainistes auront tendance à être plus pessimistes que les fédéralistes sur la situation du français. Dans ce dossier complexe, plein de zones grises, le PQ trouvera naturellement que le verre est à moitié vide.

Ensuite, un mouvement de balancier. Au PQ, la radicalisation linguistique est inversement proportionnelle à la ferveur souverainiste. Dans une période où l'option ne décolle pas, on met le paquet sur la langue, pour cimenter les troupes, et aussi dans l'espoir que les peurs linguistiques mobilisent les Québécois.

Enfin, un calcul politique. Sous la direction de Mme Marois, le PQ a multiplié les efforts pour reprendre à l'ADQ le terrain identitaire. C'est ce qu'elle poursuit avec ce projet de loi qui réaffirmerait les valeurs dites québécoises: primauté du français, laïcité, et égalité entre les hommes et les femmes. Au fait, en quoi la laïcité et l'égalité des sexes sont-elles des valeurs spécifiquement québécoises? C'est un projet de loi inutile, sauf pour jouer sur les émotions identitaires. Jusqu'à un certain point, c'est une version «soft» et civilisée de la démarche d'Hérouxville, qui joue sur les mêmes émotions.

Et tout cela repose sur une prémisse fragile: l'idée que le français est en déclin à Montréal. Une affirmation qui repose sur un fait observable, le fait que la proportion de francophones baisse à Montréal, parce qu'ils quittent l'île pour la banlieue et que les immigrants sont plus nombreux. Mais peut-on parler de déclin quand ce mouvement ne profite pas à l'anglais, en principe la menace, quand le passage des immigrants vers le français est en progression?

Faute d'analyse sérieuse, on se rabat sur l'impressionnisme et l'anecdote. Le chapitre sur la langue du cahier de réflexion de ce colloque commence ainsi: «Selon un sondage Léger Marketing du 22 juin 2009, près de 90% des Québécois francophones considèrent que la langue française est menacée à Montréal.»

On amorce une réflexion importante sur une politique importante non pas en se basant sur des études, ni sur des faits, mais avec un sondage qui décrit des impressions. Et si un autre sondage révèle que les Québécois craignent les effets secondaires du vaccin contre la grippe A (H1N1), le PQ va-t-il s'opposer à la vaccination?