Le débat des chefs de lundi soir, sur les ondes de Radio Canada, agressif, acrimonieux, désordonné, était totalement et absolument décourageant. Il a confirmé ce que l'on savait déjà. Quoi qu'il arrive le 1er novembre, Montréal n'aura pas droit au leadership qu'il mérite et dont il a cruellement besoin.

Le choix qui s'offre en fait aux Montréalais, c'est de déterminer qui, des trois candidats, sera le moins mauvais.

J'exclus en partant Richard Bergeron, un hurluberlu bavard qui ne devrait pas être dans cette course et qui n'a pas ce qu'il faut pour diriger une grande ville. Bien sûr, il est propre, comme le NPD fédéral ou Québec solidaire. Mais son succès repose surtout sur les carences de ses deux adversaires. Dans cette course, n'importe quel troisième candidat grimperait dans les sondages, même si c'était une borne-fontaine.

Dans cette recherche du moins pire, le choix que l'on fera dépendra en bonne partie de nos propres priorités. Pour ma part, malgré les scandales, je crois toujours que Montréal a d'abord besoin de développement économique, pour combler ses retards, retrouver son dynamisme. À ce chapitre, Gérald Tremblay est le mieux placé, et de loin. Il est préoccupé de développement, et a appris à élargir le concept pour y intégrer la culture, l'environnement et la qualité de vie. Il maîtrise mieux ces dossiers que Louise Harel, à la feuille de route sociale, que l'on imagine mal, par exemple, négocier avec Bernie Ecclestone les modalités d'un retour du Grand Prix.

L'autre force de Gérald Tremblay, c'est sa capacité de rassembler les Montréalais, de les faire parler d'une seule voix. Parce qu'il peut aussi bien représenter les citoyens des anciennes banlieues que ceux des anciens quartiers de la ville. Parce qu'il peut intégrer la diversité de Montréal, notamment ses deux grandes communautés linguistiques. Mme Harel, qui ne parle pas anglais, ne pourra pas y arriver, tant pour des raisons pratiques que symboliques. Cet unilinguisme, impardonnable, est un incroyable boulet.

Il est par contre évident que Louise Harel est bien placée pour dénouer l'écheveau de la gouvernance, simplifier la gestion, réduire les pouvoirs des arrondissements et ainsi rendre la ville plus gouvernable. Elle a la capacité politique pour le faire, contrairement à M. Tremblay, qui doit ménager ses alliés politiques que sont les maires des anciennes banlieues. Mais jusqu'où cet enjeu de structures doit être la priorité? On cherche quelqu'un pour gouverner, pas pour «gouvernancer».

Restent les questions d'éthique et de probité, qui ont accaparé toute l'attention dans cette campagne. C'était le grand atout de Mme Harel face à un maire qui n'a pas contrôlé sa ville, qui ne savait pas ce qui s'y passait. Jusqu'à ce que les médias révèlent que son bras droit, Benoit Labonté, aurait, lui aussi, profité du financement occulte des entreprises de construction qui tournoient au-dessus de l'hôtel de ville. Elle non plus n'a pas su, ou n'a pas voulu savoir. Pour Mme Harel, déjà en perte de vitesse dans les sondages, ce pourrait être l'arrêt de mort.

Je ne suis pas ressorti édifié du débat des chefs. Je n'ai pas aimé la façon dont Mme Harel a affirmé que les révélations sur Benoit Labonté étaient un complot de ses adversaires. Quel aveu: aurait-elle donc préféré que les faits restent cachés? J'ai encore moins aimé la façon dont Gérald Tremblay a encore défendu Frank Zampino, au lieu de condamner sans équivoque ses péchés de proximité.

Ce qui me rassure à moitié, c'est que tout ce magma des contrats de travaux publics, du financement des partis, de la collusion, dépasse largement Montréal. Il va falloir que cela se règle à un autre niveau, notamment avec une enquête publique. Mince consolation.