Un sondage Angus Reid, publié cette semaine dans La Presse, révèle que la préoccupation numéro un des Montréalais, à la veille de la campagne électorale municipale, c'était les infrastructures et les routes. Identifié par 27% des répondants, cet enjeu devançait, et de loin, les autres préoccupations, comme les transports en commun (12%), la transparence et la corruption (12%), ou les services municipaux comme les déchets (9%).

Le rapport du vérificateur général sur les compteurs d'eau, publié après le sondage, va sans doute remettre à l'honneur, du moins pour un certain temps, les questions liées à l'éthique et à la gouvernance.

 

Mais ça ne changera rien au fait que si les candidats écoutent les citoyens et tentent de répondre à leurs demandes, on aura droit à une campagne de nids-de-poule! Cela montre les limites de la sagesse populaire. Car si on choisit un maire ou une mairesse en fonction de sa capacité de faire boucher des trous ou de souffler de la neige, c'est la plus belle recette pour assurer le déclin de Montréal.

Bien sûr qu'il faut réparer les rues et nettoyer les trottoirs. Mais pour satisfaire les citoyens, il faudra s'attaquer aux problèmes de fond qui affectent les services de proximité, à commencer par l'absence de ressources financières. Et surtout, le débat public doit refléter le fait qu'une ville a des missions qui dépassent largement la cueillette des ordures. Le rôle des villes, et plus particulièrement celui des métropoles, s'est profondément transformé.

Les villes sont maintenant, plus que jamais, au coeur du développement économique des nations. C'est le succès des grandes villes qui assure celui des pays, parce que c'est là que se concentrent les activités liées au savoir, celles qui font la différence. La réussite de ces grandes villes dépend d'une foule de facteurs qui dépassent une conception mécanique du développement économique, et repose aussi sur des éléments comme l'éducation, la qualité de la vie, le dynamisme culturel.

Ce premier constat se prolonge d'un second. Même si tous ces dossiers dépendent des divers ordres de gouvernement, l'avenir des villes reposera largement sur les épaules des élus municipaux. Parce que ce n'est pas Ottawa ou Québec qui vont se battre pour Montréal. Parce qu'un maire a un rôle central en développement économique. Ce sont les villes qui sont aux premières lignes des grands enjeux sociaux, comme la pauvreté, la violence ou l'intégration des immigrants. Le succès dépendra de la capacité des villes d'intégrer les divers éléments qui constituent la qualité de vie: culture, environnement, transports en commun, aménagement, sécurité.

Un maire est donc toute autre chose qu'un maître d'oeuvre de l'enlèvement des déchets. Même si un bon maire doit d'abord être concret, pour que les choses fonctionnent, que les projets débloquent, sa fonction s'apparente, à bien des égards, à celle de premier ministre, en raison de la diversité des enjeux qui définissent maintenant la politique municipale. Il doit s'occuper de développement économique et d'environnement, même si ce ne sont des priorités que pour 7% des électeurs. Il doit d'occuper de culture, même si notre sondage montre que c'est un enjeu pour 1% des répondants.

Ces remarques sont encore plus nécessaires pour Montréal, qui ne peut pas se permettre le luxe de surfer. Montréal, malgré tous ses atouts, n'est pas une ville en plein essor. Elle a besoin d'un élan, pour retrouver un véritable dynamisme économique, pour élever son niveau de vie, pour combler ses retards, notamment du côté de ses infrastructures. Pour retrouver une cohésion et un enthousiasme qui lui manquent. L'enjeu des élections est là, et cela devrait se refléter dans le débat électoral.