Prétextant l'urgence, le gouvernement Charest a imposé le bâillon, pour mettre fin aux débats sur la loi 40 qui permet le retour au déficit budgétaire pour quelques années. Cette façon de mettre brutalement fin au débat parlementaire est non seulement abusive, elle trahit l'esprit des politiques antidéficit.

La loi 40 a pour but de suspendre la fameuse loi sur le déficit zéro du premier ministre Lucien Bouchard. Elle permet la création de déficits pour quatre ans, et surtout, elle n'oblige pas le gouvernement à les effacer en créant des surplus. On ne peut pas reprocher aux libéraux cette entorse à une loi qui avait pris valeur de symbole. La grave récession qui nous a frappés rendait ces déficits non seulement inévitables, mais essentiels pour assurer la reprise économique.

 

Mais ce n'est pas parce qu'on abandonne momentanément les préceptes de cette loi qu'il faut en abandonner aussi l'esprit. La loi sur l'équilibre budgétaire avait un double objectif. Le premier était financier et comptable: éliminer le déficit. Le second était politique; créer des obstacles pour empêcher un gouvernement de revenir aux mauvaises pratiques d'antan. Un carcan pour forcer un gouvernement qui recourt aux déficits à justifier sa décision et, le cas échéant, à en payer le prix politique. Cet obstacle, c'est le débat parlementaire. Et même si les libéraux le trouvent pénible, il joue un rôle essentiel pour empêcher la banalisation du déficit.

D'autant plus que, justement dans ce dossier précis, on a pu voir l'utilité des débats parlementaires. L'opposition péquiste, avec le critique François Legault, a forcé le gouvernement à accepter un amendement important. Le projet de loi initial laissait le moment du retour à l'équilibre à la discrétion du ministre des Finances. Une imprécision inquiétante qui a été corrigée. Il est maintenant bien écrit que le retour au déficit zéro doit se faire en 2013-2014. Si c'est trop tôt, le ministre n'aura qu'à revenir en chambre pour défendre son dossier.

De toute façon, la bataille contre le projet de loi 40 aurait commencé à nuire aux partis de l'opposition, parce qu'ils étaient à bout d'arguments. On peut difficilement reprocher au gouvernement Charest des erreurs de prévision auxquelles personne n'a échappé sur la planète, ni la création des déficits, un outil de relance recommandé par tous les organismes internationaux. On ne peut pas non plus exiger des libéraux un plan qui décrit de façon précise comment ils s'y prendront pour le ramener à zéro dans quatre ans.

C'est une demande irréaliste. Le ministre des Finances, Raymond Bachand, et son ministère ne peuvent prévoir précisément le déficit des prochaines années. Il y a trop d'inconnues. Sur la vigueur de la reprise, sur le moment où les revenus reviendront à la normale, sur l'impact à long terme de la crise boursière, sur l'évolution des taux d'intérêt. On ne sait pas non plus quelle est la proportion du déficit qui se révélera être de nature structurelle. Difficile de proposer un plan précis quand on ne connaît pas l'ampleur de l'effort.

Ce qu'on peut exiger du gouvernement, c'est un engagement ferme d'éliminer le déficit. Il semble bien être là. Ensuite, une transparence qui, à défaut de donner le détail des mesures, nous prépare à l'ampleur de ce qui nous attend. Le déficit ne disparaîtra pas tout seul, grâce à la croissance économique, comme le prétend à Ottawa le ministre Jim Flaherty.

À cet égard, en annonçant la tenue d'un vaste «dialogue» sur les finances publiques, M. Charest envoie le message qu'il faudra faire des choix difficiles. Le véritable test sera là, dans la qualité de cette consultation et dans les gestes concrets qui la prolongeront. Pas dans le débat sur la loi 40.