Le bon sens et l'ouverture ont triomphé. L'Association culturelle Louis-Hébert a fait volte-face et réintégrera les deux groupes qui avaient été exclus du spectacle de la Saint-Jean à Rosemont, parce qu'ils auraient chanté en anglais.

Cet incident est rassurant à plusieurs égards. Car si cette censure culturelle et linguistique a été évitée, c'est grâce au tollé qu'elle a provoqué. Pas parce que les lobbies anglophones se sont déchaînés. Mais parce que des francophones, en très grand nombre, ont exprimé leur malaise devant ce sursaut d'étroitesse.

Mais il y a une ombre au tableau. Il y a du monde qui ont appuyé ce sursaut d'anglophobie. À commencer par M. Mario Beaulieu qui, en tant que président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, est le «big boss» de la Fête nationale à Montréal. Les ayatollahs sont bien là. Et ils ont applaudi.

On a néanmoins fait du chemin. Le 24 juin n'est plus la fête du saint patron des Canadiens-français, mais la Fête nationale des Québécois. Pour un nombre croissant de gens, cela signifie que c'est la fête de tout le monde, y compris des allophones, y compris de la minorité anglophone. Le fait de les associer à la fête, même dans leur langue, est une mesure des progrès accomplis. L'expression d'une nation plus mûre, plus sûre d'elle, capable d'être vraiment inclusive, capable de refléter les complexités et les contradictions de la société.

Mais cette ouverture ne fait pas que des heureux. Certains francophones ressentent un malaise, surtout parmi ceux qui croient que le français est menacé. On souhaite que la Saint-Jean se passe en français, de crainte que la présence de l'anglais à la Fête nationale n'envoie de mauvais messages. On peut chanter en wolof, en espagnol ou en créole, mais pas en anglais, la langue perçue comme une menace.

Hélas, parfois, l'opposition à l'anglais peut aller plus loin, quand la défense du français se transforme en bataille contre l'anglais, contre les anglophones et leurs institutions, par exemple leur hôpital universitaire. Ce courant anglophobe, on ne le trouve pas seulement dans des groupes marginaux, mais dans des organismes qui ont pignon sur rue, comme le Mouvement Montréal français comme la Société Saint-Jean Baptiste de Montréal.

Le problème - et il est de taille - c'est que ce sont ces purs et durs qui contrôlent la Fête nationale. Dans une aberration que j'ai dénoncée depuis des années, le gouvernement du Québec confie l'organisation de la fête, et les fonds qui vont avec, au Mouvement national des Québécois, et à la SSJBM à Montréal, des organismes militants, des radicaux au sein du mouvement souverainiste.

Comment peut-on réaliser une fête rassembleuse quand ses organisateurs sont des militants portés à l'affrontement? Pour éviter le dogmatisme et la pensée unique, pour éviter des dérapages, le gouvernement Charest, s'il en avait le courage politique, devrait en toute logique confier l'organisation de la fête nationale à un organisme neutre.

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Dans un autre ordre d'idées, ceux qui ont lu le Journal de Montréal dimanche ont pu y apprendre que j'étais dans la ligne de mire des stratèges du Parti libéral du Canada, et du lieutenant de Michael Ignatieff au Québec, M. Denis Coderre, à la recherche de candidats de prestige pour le Parti libéral. Certains me verraient à Outremont. Il est vrai que la recherche de candidats à l'approche d'une élection peut faire l'objet de ballons, de rumeurs. Mais il ne faut pas croire tout ce que l'on lit. Je n'ai pas rencontré M. Coderre, je n'ai pas eu de discussions avec les libéraux, et je n'ai pas l'intention de faire un saut en politique. Ma contribution au débat public, je la fais à travers mes écrits.