Tous les spécialistes des questions énergétiques vous diront que les prix anormalement bas de l'électricité au Québec sont une aberration. Les environnementalistes vous diront que c'est un frein majeur aux efforts de conservation de l'énergie et de lutte contre les gaz à effet de serre.

Et pourtant, il y a un groupe qui se bat sans relâche contre une hausse des tarifs d'électricité, et c'est le Parti québécois. L'opposition péquiste a encore une fois repris cette bataille la semaine dernière, cette fois-ci en dénonçant les bonis du pdg d'Hydro-Québec qui, selon elle, s'expliqueraient par les hausses excessives exigées par la société d'État.

 

Je comprends que le PQ forme l'opposition officielle. Et qu'à ce titre, c'est sa fonction de critiquer les décisions du gouvernement. Je note aussi que le style d'opposition très agressif, qui ne laisse rien passer, que préconise Pauline Marois, donne de bons résultats. Le PQ devance les libéraux dans les intentions de vote et Mme Marois s'est imposée, non seulement comme chef de l'opposition, mais comme la personne qui ferait le meilleur premier ministre.

Mais justement, le fait que le Parti québécois ait retrouvé son statut de parti de pouvoir devrait en principe lui imposer des contraintes. Car il doit y avoir une cohérence entre les batailles qu'il mène dans l'opposition et les gestes qu'il ferait comme gouvernement.

Le PQ a une longue feuille de route à ce chapitre. C'est le gouvernement péquiste qui a imposé un long gel des tarifs dans les années 90. Cela explique d'ailleurs pourquoi les hausses des dernières années, 18% en cinq ans, soient plus élevées que l'inflation, pour permettre un rattrapage.

Le PQ a dénoncé ces hausses sans relâche. Et la semaine dernière, le critique péquiste en matière d'énergie, Sylvain Gaudrault, a remis ça. Dénonçant les bonis du pdg d'Hydro, il a parlé de «la hausse de tarifs de 18% qu'a imposée la société d'État aux Québécois», de «hausses répétitives», de «hausses nettement plus élevées que l'inflation». Ça ressemble à une croisade.

Pour coiffer le tout, pendant la dernière campagne électorale, Mme Marois est revenue avec l'idée d'un gel temporaire, pour donner un répit aux consommateurs pendant la crise. C'est une mauvaise mesure, parce que la plupart des gens n'ont pas besoin d'un répit, que ce cadeau contribuerait peu à la relance et surtout, parce que ce gel n'était pas assorti d'un plan très clair de récupération après la crise.

Ces attaques contribuent à faire en sorte que l'idée d'amener progressivement les tarifs d'électricité aux prix du marché est politiquement impossible à réaliser au Québec. Et pourtant, ce rattrapage est souhaitable et nécessaire.

D'abord, parce que l'argument qui sert à justifier des tarifs plus bas, le désir de protéger les plus démunis, ne tient pas la route. Les principaux bénéficiaires sont les gros consommateurs, plus fortunés. C'est le contraire d'une politique sociale. Si on veut aider les familles en difficulté, il faut des mesures bien ciblées, par exemple des crédits d'impôt.

Ensuite, parce qu'en exigeant moins que le prix du marché, la société québécoise se prive des revenus. Les profits d'Hydro-Québec ne sont pas une honte, mais la façon dont le Québec bénéficie collectivement de cette ressource.

Et surtout, les tarifs trop bas encouragent la surconsommation, ce qui réduit la quantité d'électricité disponible pour déplacer d'autres sources d'énergie qui génèrent des GES. Ces prix bas freinent aussi le développement de sources d'énergies de rechange et de mesures d'économie d'énergie.

Bref, le fait de maintenir trop bas le prix de l'électricité est un non-sens social, un non-sens économique et un non-sens environnemental. Cette bataille d'arrière-garde est peut-être payante au plan politique, mais elle ne sert certainement pas les intérêts du Québec.