La semaine dernière, la ministre des Finances Monique Jérôme-Forget disait que, dans le dossier de la Caisse de dépôt, elle était sur le «mode solution». Cette semaine, on a plutôt eu l'impression que le gouvernement Charest était sur le mode improvisation!

Il est difficile de ne pas percevoir un élément de calcul politique dans la nomination de Michael Sabia à la tête de l'institution, et surtout, dans la façon dont elle a été annoncée. La séquence des événements sent la manoeuvre politique à plein nez.

 

D'abord, une volte-face étonnante, où le gouvernement accepte que Mme Jérôme-Forget réponde aux questions de l'opposition en commission parlementaire. Et ensuite, comme par hasard, l'annonce du choix de M. Sabia quelques heures après que la ministre eut été soumise à cette séance de torture. Une nomination qui arrivait à point nommé pour faire passer à l'oubli sa prestation chancelante. Ça a fonctionné. Les manchettes ont porté sur M. Sabia, plutôt que sur Mme Jérôme-Forget. Mais à quel prix!

Cela envoie un double message. D'abord, qu'un enjeu majeur, le choix de celui qui devra redresser la Caisse, une décision qui nous lie pour longtemps, a été coloré par des considérations politiques à très court terme. Ensuite, que le processus a été court-circuité, parce qu'on n'a pas rencontré d'autres candidats, qu'on n'a pas attendu que le conseil d'administration soit pleinement constitué, et donc que la décision n'a peut-être pas été pleinement mûrie. Cela sème le doute et compromet la capacité du gouvernement Charest de répondre aux critiques à l'égard de cette nomination qui ne fait pas l'unanimité.

Il faut remettre cet accueil plus que froid dans son contexte. Le débat sur la Caisse est lourdement politisé. Plusieurs des critiques du choix de M. Sabia ont un caractère partisan évident, notamment celles de Yves Michaud, et à plus forte raison celles de Bernard Landry, maître d'oeuvre de l'autre grand fiasco de la Caisse.

Mais des questions se posent. M. Sabia a une longue feuille de route, mais ce qui retient l'attention, c'est son plus récent mandat à la tête de BCE. Il est difficile de faire un bilan juste et nuancé de sa prestation, en raison de la complexité du défi qu'il devait y relever. On ne se trompe cependant pas en disant que ce n'est pas un parcours sans faute, assez pour que ce choix puisse soulever des questions.

Cependant, le malaise provoqué par sa nomination a plutôt porté sur sa triple extériorité: M. Sabia, un Ontarien anglophone, n'est pas un «pure laine», il n'est pas un financier, et il n'est pas intégré au réseau de Québec inc.

Écartons rapidement le premier élément d'inquiétude, dont l'ethnocentrisme est gênant. Par ailleurs, l'idée de mettre à la tête de la Caisse quelqu'un qui ne vient pas du monde de la finance n'est pas mauvaise; c'est la dérive du monde financier, à laquelle la direction de la Caisse n'a pas échappé, qui a provoqué la crise. Enfin, il peut être sain de sortir du cercle du Québec inc. Si le conseil d'administration de la Caisse n'avait pas eu ce caractère de petit club complaisant, typique du Québec inc., peut-être aurait-il mieux joué son rôle de chien de garde.

La nomination de M. Sabia est un pari. Peut-être intéressant. Mais pour convaincre de son bien-fondé, il aurait fallu démontrer que le choix s'est fait après mûre réflexion, plutôt que sur un coup de tête, il aurait fallu aussi pouvoir l'expliquer. Cela, le gouvernement Charest, qui va d'une maladresse à l'autre dans ce dossier, ne l'a pas fait.