Le maire Gérald Tremblay, accompagné des ministres Raymond Bachand et Michael Fortier, est allé en pèlerinage en Grande-Bretagne pour convaincre le parrain de la FI, Bernie Ecclestone, de revenir sur sa décision de rayer le Grand Prix du Canada du calendrier de la saison 2009.

On ne peut pas reprocher à nos politiciens d'avoir fait ce voyage, car on ne leur aurait pas pardonné s'ils n'avaient rien fait. Mais quand le maire a qualifié la rencontre de constructive, j'ai eu un petit pincement. C'est bien beau de sauver le Grand Prix, mais à quel prix?

 

Quand on sait que c'est une affaire d'argent, que le grand patron de la F1 est rapace, et que certains pays sont prêts à tout pour être dans le circuit, est-ce que le jeu en vaut la chandelle? Avec les chiffres dont on dispose, c'est loin d'être évident.

Commençons par le commencement. Croyez-le ou non, on ne sait pas quelles sont les retombées du GP. Le chiffre qui circule, 100 millions de dollars, est une estimation de Tourisme Québec datant de plusieurs années, obtenue par recoupements parce que la direction du Grand Prix était avare de détails. Ce n'est pas le fruit d'une recherche scientifique, plutôt un document de relations publiques, qui donne une bonne idée de l'importance de l'événement, mais qui ne peut pas servir de base à la prise de décision. Et pourtant, on a besoin de chiffres précis, puisque la décision d'injecter ou non des millions en fonds publics reposera sur la connaissance exacte des montants que Montréal perdrait.

Ces 100 millions ne décrivent pas des retombées, mais une compilation des dépenses touristiques engendrées par l'événement, hébergement, restauration, transport, etc. Il faut en retrancher les dépenses faites par des Québécois, car ces dollars auraient été dépensés autrement au Québec, tandis que les dépenses des étrangers représentent un gain net. Environ 40% des participants au GP sont des non-Québécois, qui viennent ici juste pour ça et qui dépensent beaucoup plus. Tant et si bien que ces dépenses de l'extérieur atteignent peut-être 75 millions. On ne sait trop. Si le GP disparaissait, il y aurait du tourisme de remplacement, tant et si bien que la perte serait moindre.

Mais on sait que c'est l'événement touristique de loin le plus important à Montréal. Et qu'il s'agit d'un tourisme de luxe. Il n'y a pas plus de monde dans nos hôtels en juin qu'en mai ou en juillet. Mais le prix des chambres grimpe en flèche. Si le Grand Prix ne revient pas, nous perdons des touristes qui dépensent plus dans les hôtels, les commerces et les restaurants.

Le problème, c'est que le maintien du Grand Prix risque de coûter cher. Combien peut-on décemment dépenser pour éviter une perte nette de revenus touristiques de peut-être 50 ou 60 millions? D'autant plus qu'il ne s'agit pas seulement d'empêcher l'annulation de l'épreuve. Il faudra beaucoup investir pour assurer sa pérennité.

Avant de songer à une aide, il faut regarder, comme pour les autres subventions, quels sont les impacts plus globaux du Grand Prix pour notre économie. Ils ne sont pas énormes, parce que le GP est un événement extérieur, qui débarque à Montréal pour quelques jours et qui repart sans laisser de technologie ou de know-how.

Il faut aussi se demander ce qu'on pourrait faire d'autre pour le tourisme montréalais avec le même argent. Enfin, il ne faut pas oublier qu'avant d'injecter des fonds publics, il faut tenir compte du risque d'un projet. Dans le cas de la F1, le risque est considérable, parce que M. Ecclestone est un bouffon, imprévisible, porté aux coups de théâtre et au chantage,

Ce qui fait la différence, dit-on, c'est la carte de visite, la visibilité de Montréal partout sur la planète. L'argument est très fragile. Connaissez-vous Sepang? Manama? Montmelo? Tuzla, Magny-Cours? Mogyorod? Francorchamps? Ce sont des localités où il y a des GP, qui ne percent pas le mur de l'indifférence malgré toute la «visibilité» dont elles disposent.

De toute façon, le fait d'accueillir un Grand Prix n'est plus associé au prestige. C'est plutôt un tremplin pour une ville ou un pays qui veut échapper à son anonymat ou une façon de s'intégrer pour les nouveaux riches de la mondialisation.

Avant de renflouer le Grand Prix à coups de fonds publics, il faut y penser à deux fois, sinon à trois. Et disons-nous que si nous perdons le Grand Prix, ce n'est pas parce que Montréal est malade, mais parce que la Formule 1 est malade.