Mardi, les marchés, euphoriques, enregistraient des gains, ragaillardis par la crédibilité des plans internationaux de consolidation des institutions financières. Le TSX de Toronto a même connu le bond le plus élevé de son histoire. Et mercredi, c'était la débandade. Elle s'expliquait, selon les observateurs, par les inquiétudes sur l'état de l'économie et la crainte d'une récession.

La question naïve qui vient spontanément à l'esprit est la suivante: les risques de récession aux États-Unis étaient-ils plus grands mercredi que mardi, ou que la semaine dernière? Évidemment pas. Les États-Unis sont mal en point depuis des mois, et le choc de septembre annonçait une récession. Le déclencheur de la panique de mercredi, les données sur les ventes de détail qui font état d'une troisième baisse mensuelle consécutive, n'apportait en fait rien de nouveau. Cette soudaine inquiétude des marchés avait quelque chose de presque surréaliste.

 

Pourquoi souligner cela? Pour rappeler que, même si le monde financier peut compter sur des spécialistes très compétents, les marchés financiers, dans leur comportement quotidien, sont comme une poule sans tête, avec le sang-froid et la capacité de concentration d'un enfant agité qui n'a pas pris son ritalin. Les mouvements boursiers résultent de gestes de panique, de calculs de spéculateurs, de considérations techniques qui mènent, dans une période de grande instabilité comme celle que nous connaissons, à des revirements brutaux, que l'on tente tant bien que mal d'expliquer de façon rationnelle.

On peut surveiller les indices de près, pour mieux gérer son portefeuille, mais certainement pas pour comprendre ce qui se passe. Il faut vraiment arrêter de décoder la crise actuelle et son impact économique à travers le prisme d'une logique boursière, avec ses comportements frénétiques, sa vision à courte vue, sa culture de panique. L'évolution des marchés boursiers a un impact sur l'économie réelle, sur le niveau de vie, sur l'emploi. Mais l'économie n'est pas la Bourse.

Avec les yeux rivés sur les indices, on en vient à confondre la crise financière et ses impacts économiques. Les phénomènes sont liés, mais différents. Ce qui était terrifiant, c'étaient les faillites des banques et le risque d'effondrement des institutions financières, avec leurs échos de 1929. Cette terrible menace semble en bonne voie de se régler. Ce qui reste, c'est la probabilité d'une récession aux États-Unis et dans certains pays qui s'explique en partie par la perte de richesse due à l'effondrement de la Bourse, par l'endettement, par la crise immobilière. C'est très sérieux, mais en confondant avec la crise financière, on évoque inutilement des images de misère des années 30.

Cette logique boursière mène aussi à confondre Canada et États-Unis. Mercredi, les marchés réagissaient aux craintes de récession aux États-Unis, pas ici. La différence est majeure. Et ce n'est pas seulement le baratin d'un premier ministre en campagne électorale. L'économie canadienne est saine, comme son système financier et ses finances publiques. La capacité du Canada, et du Québec, de résister à la tourmente est bien meilleure. On peut le dire sans minimiser le sérieux de la situation et la gravité des enjeux.

On l'a vu vendredi dernier, avec les plus récentes données sur le marché du travail. Au Canada, il s'est créé 107 000 emplois en septembre, pour un total de 194 000 depuis le début de l'année. Aux États-Unis, il s'est perdu 760 000 emplois. Au Québec, il s'est créé 31 000 emplois en septembre, ce qui compense les pertes du début de l'année. L'emploi fait du sur-place, mais le taux de chômage est en baisse et le taux d'emploi est à un niveau remarquable.

La différence, on la voit. L'emploi se porte bien malgré un ralentissement important qui nous frappe depuis des mois. En principe, en période de difficulté, c'est la première chose qui s'effondre. Notre économie est résiliente. Et si les prévisions tiennent le coup, le contrecoup de la crise américaine accentuera le ralentissement déjà observé de l'économie canadienne et repoussera la reprise tard en 2009. Mais la grande majorité des maisons de prévision, notamment le Conference Board la semaine dernière, ne s'attendent pas à une récession. Cela permet de croire que le choc, contrairement aux États-Unis, ne prendra pas les accents d'une crise.

Voilà pourquoi, à l'heure actuelle, la voie la plus sage pour le Canada, c'est de ne pas paniquer, tout en étant prêt à agir si le climat se détériore. C'était le sens du plan de Stéphane Dion, ou de celui de Jean Charest au Québec. Et c'est la voie que Stephen Harper a choisi d'emprunter, avec retard, maintenant qu'il a été réélu.

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