Oui, c'est vrai, les politiciens sont des hommes et des femmes comme les autres. Avec leurs émois, leurs dilemmes sentimentaux et leurs trahisons. Si nous devions juger leurs compétences professionnelles sur la base de leurs égarements personnels étalés sur la place publique, les choix électoraux seraient dramatiquement réduits. Et les électeurs ne gagneraient pas nécessairement au change.

Oui, c'est vrai, ceux qui nous dirigent ne sont ni meilleurs ni pires que les sociétés dont ils sont issus. Selon un récent sondage mené par l'institut de recherche PEW, la France est de loin le pays le plus tolérant relativement à l'infidélité conjugale. À peine 47% des Français la jugent moralement inacceptable, contre 60% des Allemands, 69% des Japonais et 84% des Américains.

Cela ne signifie évidemment pas que les politiciens allemands, japonais ou américains soient plus fidèles que leurs homologues hexagonaux. Mais leurs aventures extraconjugales suscitent plus ou moins d'intérêt public ou de réprobation sociale, selon ce seuil de tolérance.

En France, les médias ont longtemps fermé les yeux sur les incartades personnelles des dirigeants politiques. Le président François Hollande a cru que la frontière entre vie privée et vie publique restait tout aussi étanche qu'à l'époque de Valéry Giscard d'Estaing ou de François Mitterrand. Le vaudeville dans lequel l'ont plongé les récentes révélations du magazine Closer prouve que ce n'est plus le cas.

Faut-il s'en indigner pour autant? L'épreuve «douloureuse» que traverse le couple présidentiel ne regarde-t-elle vraiment que celui-ci ? Pas sûr.

Ne serait-ce que parce qu'elle met en jeu une fonction on ne peut plus en vue: celle de la première dame de France.

En conférence de presse, mardi, François Hollande a refusé de dire qui occupait aujourd'hui cet «emploi.» Et qui allait donc l'accompagner lors son prochain voyage à Washington. Il a promis de répondre à cette question d'ici le décollage.

Sa compagne officielle, Valérie Trierweiler, a actuellement droit à cinq employés et un budget annuel de 30 000$ à titre de première dame. Mais le silence du président donne l'impression qu'elle risque de se faire montrer la porte. Le cas échéant, ça montre que les démêlés sentimentaux de François Hollande pourraient bien déborder de la sphère privée dans le domaine public. Et franchement, ça ne fait pas bien sérieux.

À l'autre bout du triangle amoureux, la comédienne Julie Gayet semblait assurée d'une nomination au jury de la Villa Médicis, qui permet à des artistes français de faire un séjour créatif à Rome. Hier, la ministre de la Culture Aurélie Filippetti a choisi, «vu la situation particulière», de nommer quelqu'un d'autre à sa place.

Ce n'est pas la fin du monde, bien sûr. Sauf que là encore, la probable liaison présidentielle a eu un impact sur une décision mettant en cause une nomination prestigieuse et la gestion de fonds publics.

Mais au-delà de ces incidences concrètes, au-delà aussi des questions que les allées et venues de François Hollande à l'appartement de la rue du Cirque soulèvent sur la sécurité présidentielle, toute cette affaire laisse planer une ombre sur le jugement de l'homme qui, il n'y a pas si longtemps, se targuait d'être moralement supérieur à son prédécesseur.

«Moi président, je ferai en sorte que mon comportement soit à chaque instant exemplaire», avait-il claironné lors du dernier débat avant la présidentielle de mai 2012. Tout en annonçant une ère de normalité mettant un terme au règne du «bling bling» narcissique de Nicolas Sarkozy

Exemplaire, le comportement d'un homme qui file par la porte d'en arrière, caché sous son casque de moto, pour rejoindre sa nouvelle flamme? Qui se fait livrer des croissants par son garde de sécurité? Qui doit consacrer une portion importante de son énergie mentale à organiser ses escapades - alors que son pays exigerait qu'il vaque à des activités plus urgentes?

Que d'insouciance, de légèreté et d'imprudence, lui reproche le quotidien Le Monde, selon lequel François Hollande a commis trois grandes fautes. D'avoir oublié qu'un président s'expose au regard public par obligation professionnelle. De ne pas avoir remarqué que le monde a changé et que même en France, où les journalistes fraient avec le pouvoir, l'heure est à la transparence. Et enfin, d'avoir pris le risque d'écorcher son image à un moment où il bat déjà tous les records d'impopularité.

Pas trop fort, François Hollande. Et normal, trop normal.