Depuis qu'il a accédé à la présidence, Barack Obama a visité l'Égypte, l'Irak, l'Arabie saoudite, la Turquie. Mais il n'avait encore jamais mis les pieds en Israël, son principal allié dans ce coin du globe, ce que ses adversaires lui ont lourdement reproché au fil des ans.

À compter de demain, le président Obama s'emploiera à corriger cette lacune. Mais si l'on se fie à une analyse publiée la semaine dernière par le journaliste et essayiste Thomas Friedman, il aurait tout aussi bien pu rester chez lui.

Thomas Friedman est un grand spécialiste du Proche-Orient. Et selon lui, les jours qui viennent ne changeront rien dans la dynamique de cette région. Dans l'état actuel des choses, il n'y a aucun plan de paix à l'horizon. Et aucune chance pour que Barack Obama se décide à mettre tout son poids derrière une nouvelle initiative de paix entre Israéliens et Palestiniens

Ce constat résigné s'appuie, en gros, sur deux phénomènes. D'une part, les États-Unis ont de moins en moins besoin de régler ce conflit, dont l'intérêt stratégique est de moins en moins évident, en raison d'une série de «changements structurels» dans le monde. Par exemple, avec la fin de la guerre froide, les tensions israélo-palestiniennes ne posent plus le risque d'un débordement international illimité. Les États-Unis sont aussi moins dépendants du pétrole du Moyen-Orient, tandis qu'un autre foyer de tension, entre chiites et sunnites, est en train d'embraser toute la région et risque de faire imploser plusieurs États, dont la Syrie et le Liban, bien avant que la Palestine ne voie le jour.

En même temps, le conflit israélo-palestinien devient de plus en plus difficile à résoudre. La présence de 300 000 colons en Cisjordanie, les roquettes que le Hamas lance sur Israël et la radicalisation politique de l'État hébreu créent une dynamique peu propice à une réelle négociation. Dans le contexte, poursuit Friedman, Barack Obama pourrait bien devenir le premier président américain à visiter Israël en tant que... touriste.

Thomas Friedman exagère un peu, mais pas tant que ça. En Israël même, l'arrivée de Barack Obama est attendue avec un enthousiasme plus que mitigé. Les commentateurs soulignent qu'il n'a pas de projet de paix dans ses valises. Et qu'il est temps que la gauche israélienne cesse d'attendre un prince charmant venu de Washington avec des valises remplies de belles surprises. La gauche israélienne est victime du syndrome du «conte de fées», et attend Barack Obama comme le messie, dénonce le chroniqueur Aluf Benn.

Barack Obama profitera sans doute de son séjour pour souligner les liens indéfectibles qui unissent son pays à Israël, mais ne dira rien sur l'occupation illégale des territoires palestiniens, prévoit le commentateur Daniel Levy. Les deux analystes s'entendent pour dire que la solution au conflit israélo-palestinien doit venir de l'intérieur du pays. Pas d'un prince charmant sur son cheval blanc.

Sauf qu'Israël bascule chaque jour davantage en sens contraire... Le nouveau gouvernement israélien, nommé hier, penche plus que jamais en faveur des colons. Le ministre de la Défense, Moshe Yaalon, qui doit approuver les projets de construction dans les implantations juives en Cisjordanie, est un fervent défenseur de la colonisation. Idem pour Avigdor Lieberman, pressenti aux Affaires étrangères. Les faucons sont bien plus nombreux que les colombes au sein de ce cabinet. Plusieurs des nouveaux ministres favorisent d'ailleurs le recours à des frappes préventives contre l'Iran, autre sujet qui retiendra l'attention de Barack Obama pendant sa visite.

Dans ce climat, Barack Obama a deux possibilités: occulter la question des implantations juives, centrale pour les Palestiniens, ou critiquer la politique d'occupation territoriale, au risque de parler en l'air et de ne pas être écouté. Dans les deux cas, il aura l'air... d'un touriste.