La scène est surréaliste. Une douzaine d'hommes armés de kalachnikovs et de grenades, et portant des cagoules qui ne laissent paraître que leurs yeux, forment une haie d'honneur dans l'entrée d'une maison de Gaza.

C'est ici qu'est né Ahmed Jabari, chef des Brigades Al-Qassam, bras armé du Hamas. L'homme a été tué par l'armée israélienne le 14 novembre, ce qui a ouvert la porte à une guerre éclair de huit jours.

Sur l'immense affiche accrochée au fond de la cour, le visage d'Ahmed Jabari surplombe des roquettes qui volent au-dessus de Jérusalem.

L'homme au micro a le visage masqué, lui aussi. Il s'appelle Abou Obeida. Il est le porte-parole de ce groupe armé qui affirme avoir lancé plus de 1000 roquettes sur Israël.

Un pilonnage qui a porté ses fruits, selon lui. «Nous avons pu imposer nos conditions sur le cessez-le-feu», crache-t-il d'une voix saccadée.

Mais pour Abou Obeida, la bataille ne fait que commencer.

«Nous n'avons pas levé le drapeau blanc. Il n'y a de place sûre pour les Israéliens nulle part sur notre terre. Nous allons libérer la Palestine et reprendre Jérusalem.»

Les politiciens qui ont orchestré ce qui est généralement considéré, à Gaza, comme une victoire sans précédent contre Israël ne tiennent pas ce discours belliqueux. Mais ils expriment la même fierté, celle d'un David qui vient de défaire Goliath, dans une lutte à armes inégales.

C'est aussi le sentiment qui régnait dans les rues de Gaza, au lendemain de la signature d'un accord dans lequel les deux parties s'engagent à mettre fin aux agressions mutuelles. Et qui ouvre la perspective d'une levée du siège qui étouffe la bande de Gaza depuis quatre ans.

Depuis une semaine, Gaza avait des allures de ville fantôme. Hier, ses rues se sont remplies d'autos, de charrettes tirées par des ânes et de passants. Les commerçants accueillaient les clients avec de larges sourires. Les traces de la tension des derniers jours se sont évanouies en une nuit.

Les Gazaouis avaient une autre raison de se réjouir.

Le dénouement de ce conflit scelle la réconciliation entre les deux frères ennemis, le Fatah, qui contrôle la Cisjordanie, et le Hamas, au pouvoir à Gaza.

Les drapeaux jaunes, ceux du Fatah, et verts, ceux du Hamas, se mélangeaient sur la place du Soldat inconnu, où les deux mouvements sont allés souligner la signature de la trêve. Une scène inimaginable avant le début des hostilités.

«Sur le terrain, nous étions tous ensemble, l'agression israélienne nous a unifiés», se félicite Abou Shahla, membre du Conseil révolutionnaire du Fatah.

«C'est le temps de remettre notre maison en ordre», opine Ahmed Youssef, membre fondateur du Hamas.

Ce mouvement sort clairement renforcé de ce conflit qui, aux yeux de nombreux Palestiniens, a démontré que seule la résistance armée permet de faire avancer leur cause.

Considéré comme une organisation terroriste par une grande partie de la communauté internationale, le mouvement a gagné en légitimité pendant les négociations menées sous la médiation de l'Égypte. «Le monde ne verra plus le Hamas de la même façon», se réjouit Ahmed Youssef.

Ses leaders seront-ils en mesure de faire respecter la trêve à toutes les milices qui réclament aujourd'hui la paternité de la victoire? «Nous avons donné notre parole aux Égyptiens et ils s'en sont portés garants», répond Ahmed Youssef. Il faut savoir que son mouvement a été fondé par les Frères musulmans, aujourd'hui au pouvoir en Égypte. Les liens entre les deux sont naturels.

Cette guerre fait un autre gagnant: l'Égypte, qui s'est imposée comme une puissance régionale incontournable.

Le grand perdant, c'est Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne, qui a brillé par son absence pendant toute la durée de la crise. Il n'arrivera pas en position de force quand il présentera sa demande de reconnaissance à l'ONU, la semaine prochaine.

Les Israéliens, de leur côté, sont partagés sur l'issue de cette guerre. «Dans les villes du Sud, les gens sont fâchés, ils sont sûrs que les attaques de roquettes recommenceront, ils pensent qu'il fallait mettre le Hamas à genoux», constate le journaliste Michael Blum. Dans l'ensemble, l'opinion prédominante est qu'Israël a remporté une demi-victoire.

Le gouvernement Nétanyahou a atteint son but, croit l'analyste Yossi Alpher. «Il a réussi à faire arrêter les tirs de roquettes et montré que la dissuasion fonctionne. C'étaient des objectifs modestes, mais c'était sage d'avoir des objectifs modestes.»

Trop modestes, peut-être, pour les villes exposées aux attaques de roquettes où Benyamin Nétanyahou risque de perdre des voix, aux élections de janvier.

Dans l'immédiat, la trêve apporte un apaisement immédiat aux Israéliens et aux Palestiniens de Gaza, qui ont été en première ligne de ce conflit. Enfin, le ciel ne sème plus la mort. Il reste à savoir si elle va durer. Et combien de temps. Des deux côtés, les messages sont clairs: à la moindre provocation, ça recommencera.

PHOTO BERNAT ARMANGUE, AP

Au cours d'un défilé, hier, des militants du Hamas ont célébré le cessez-le-feu conclu la veille avec Israël, dans un camp de réfugiés du nord de la bande de Gaza.