La guerre civile qui déchire la Syrie a fait de nombreuses victimes. Et parmi ces victimes, il y a les agents de la sécurité et les militaires qui se battent toujours au nom de Bachar al-Assad.

L'homme qui se montre si compatissant à l'égard des soldats de Damas n'est pas un ami du régime syrien. Bien au contraire. Il s'appelle Moaz al-Khatib et depuis dimanche, il est le nouveau visage de l'opposition syrienne. Ce jour-là, à Doha, au Qatar, les représentants de nombreuses factions de la dissidence ont fusionné au sein d'une nouvelle Coalition nationale syrienne des forces d'opposition et de la révolution.

Élu président de cette nouvelle organisation, censée unifier une opposition qui s'entredéchire depuis 20 mois, Moaz al-Khatib a fait sa première allocution en tendant la main à tous les Syriens. Y compris ceux qui combattent dans l'armée de Bachar al-Assad.

«Il a fait un discours magnifique, ouvert à toutes les composantes de la population syrienne», dit Samir Aita, rédacteur en chef de l'édition arabe du Monde diplomatique. Cet intellectuel a pourtant beaucoup de réserves à l'égard du nouveau regroupement de l'opposition, qui prend le relais du Conseil national syrien, réputé pour son immobilisme et ses chicanes internes. Mais quand on lui parle de Moaz al-Khatib, Samir Aita ne tarit pas d'éloges. «Je le respecte beaucoup, il a pris historiquement beaucoup de positions courageuses.»

Si la France a reconnu, hier, la nouvelle Coalition comme seule représentante légitime du peuple syrien, c'est un peu, beaucoup grâce à la personnalité de Moaz al-Khatib. Si de jeunes rebelles, des militants de gauche et d'autres dissidents laïques ont pu appuyer cette nouvelle «créature», c'est aussi, en bonne partie, grâce à son président.

Qui est donc cet homme qui réussit l'exploit de faire l'unanimité au sein d'une opposition tragiquement divisée? Ce géophysicien de 52 ans a travaillé dans le secteur du pétrole avant de devenir prédicateur à la fameuse mosquée des Omeyyades, à Damas. Quand Hafez al-Assad, père de l'actuel président, lui a interdit de prêcher, il s'est joint à l'opposition clandestine. Il a fait de nombreux séjours en prison depuis le début du soulèvement syrien. La première fois, au printemps 2011, c'était après avoir fait le tour des quartiers alaouites, minorité à laquelle appartiennent les Assad, pour inciter les gens à se joindre aux manifestations.

Moaz al-Khatib est décrit comme un islamiste modéré, qui croit à la séparation entre l'État et la religion. «Il est attaché aux valeurs religieuses traditionnelles, mais il défend aussi les valeurs démocratiques», dit Salam Kawakibi, directeur de recherche au Centre d'initiative pour une réforme arabe, à Paris.

Salam Kawakibi connaît bien le nouveau leader de l'opposition syrienne: «C'est un homme qui ne mâche pas ses mots, mais qui se montre aussi très aimable, son sourire et son accueil lui permettent d'éviter la controverse.»

«Moaz al-Khatib est une excellent orateur, il rejoint les gens de la gauche et il comprend la mosaïque syrienne», dit le politicologue Sami Aoun, qui voit l'arrivée de cet homme à la tête de l'opposition syrienne comme un véritable «coup de maître».

Mais cet homme à qui l'on prête toutes les qualités a devant lui une tâche titanesque. Avec la mise sur pied de la nouvelle Coalition, l'unification des forces anti-Assad ne fait que commencer. Le fait qu'elle rassemble des opposants de l'intérieur, et pas seulement ceux de l'exil, joue en sa faveur. Mais il reste à convaincre la communauté internationale que cette fois, l'opposition parle d'un seul nom. Qu'elle n'est pas noyautée par des extrémistes religieux. Et qu'elle est capable d'exercer un ascendant sur les groupes armés qui composent l'Armée syrienne libre. Il reste aussi à convaincre les Syriens qu'elle saura résister aux puissances étrangères qui tenteront immanquablement de l'influencer.

Moaz al-Khatib fera ses débuts sur un fil ultramince. Son arrivée à la tête de l'opposition syrienne n'en est pas moins une bonne nouvelle, en provenance d'un pays où il y en a, hélas, très peu.

PHOTO KARIM JAAFAR, AFP

Décrit comme un islamiste modéré, Moaz al-Khatib croit à la séparation entre l'État et la religion et serait en mesure d'éviter la controverse, selon des observateurs de la scène syrienne.