Il y a eu l'ouragan Sandy, qui a permis à Barack Obama d'afficher sa stature présidentielle, juste à temps pour la dernière ligne droite d'une des courses électorales les plus serrées de l'histoire récente des États-Unis. Il y a aussi eu le vote des Latino-Américains, qui représentent une portion de plus en plus importante de l'électorat et qui, selon les sondages menés à la sortie des bureaux de vote, ont appuyé le candidat démocrate dans une proportion de 71 %.

Et puis, il y a eu les jeunes, majoritairement pro-Obama, qui ont massivement exercé leur droit de vote. Sans oublier l'économie qui amorce une timide remontée, ce qui joue naturellement en faveur du président sortant. Particulièrement dans l'État-clé de l'Ohio, où plus des deux tiers des électeurs approuvent son opération de sauvetage de l'industrie de l'auto, décriée par Mitt Romney.

Mais il y a eu aussi, et j'ai envie de dire surtout, le vote des femmes. Elles ont appuyé Barack Obama dans une proportion de 55 %. Mais elles ont aussi été clairement plus nombreuses que les hommes à se rendre aux urnes. Ce qui les a motivées ? En grande partie, la peur de Mitt Romney et de ce que le New York Times a décrit, récemment, comme la guerre tous azimuts que les républicains mènent contre les femmes.

«Cette attaque va bien au-delà d'un recul en matière de droit à l'avortement», a écrit le quotidien en éditorial, au printemps dernier, en énumérant les offensives contre la contraception, l'accès aux soins de santé, l'équité salariale et la violence domestique. Mitt Romney avait, par exemple, l'intention de cesser de financer l'organisme Planned Parenthood, qui prône le contrôle des grossesses. Il voulait aussi permettre aux employeurs de ne plus assurer les dépenses médicales associées à la contraception. Il voulait abolir la loi sur l'équité salariale, adoptée en 2009, sous Obama. Et il souhaitait infirmer le fameux jugement Roe c. Wade, qui assure le droit au libre choix en matière d'avortement.

Plusieurs des femmes que j'ai rencontrées au cours des derniers jours en Ohio étaient horrifiées par la perspective d'une telle régression. «Avec Romney, les droits des femmes vont reculer, les droits des gais et lesbiennes aussi», a dit Miranda Whiting, étudiante et mère de famille de 31 ans, croisée dans un bureau de vote de Columbus.

«Je ne veux pas retourner à une époque où on n'avait pas accès à la contraception», a protesté une autre électrice. Puis, cette autre: «Romney n'a pas la moindre idée de ce que sont les droits des femmes.»

D'une certaine façon, ce n'est pas seulement Mitt Romney qui a perdu, mardi. C'est toute la droite religieuse qui s'est heurtée à un mur. Ajoutez-y la défaite de deux candidats au Sénat, Todd Akin et Richard Mourdock, qui ont tenu, pendant la campagne présidentielle, des propos répugnants et d'une stupidité sans fond sur le viol. L'élection d'une première sénatrice homosexuelle, Tammy Baldwin, dans le Wisconsin. Et même le vote en faveur de la légalisation de la marijuana dans les États du Colorado et de Washington. Et la légalisation du mariage gai dans le Maine et le Maryland.

Il y a là comme une tendance qui se dégage: une majorité des électeurs américains ne veulent pas retourner à une époque de grande noirceur sociale. Ils veulent vivre au XXIe siècle.

Bien sûr, les États-Unis demeurent un pays extrêmement polarisé. Avec le vote d'hier, les femmes n'ont peut-être pas gagné la guerre. Mais elles ont remporté une bataille suffisamment marquante pour forcer les républicains à faire leur examen de conscience. Pour se rendre compte qu'ils ne peuvent pas gagner sans gagner du terrain dans l'électorat féminin. Et qu'ils n'y arriveront pas tant qu'ils s'entêteront à vouloir réguler la vie des femmes jusque dans leurs décisions les plus intimes. Et à vouloir éliminer des droits qu'une majorité de femmes estime comme allant de soi.