Le magazine britannique The Economist l'a décrit comme un homme dangereux. Mais en France, il n'est perçu ni comme un fauve ni comme un prédateur. Plutôt comme un chat, voire un édredon. Portrait d'un homme qui a su attendre son heure.

Aucun des sobriquets dont on a affublé François Hollande au fil des ans ne laissait présager qu'il était de l'étoffe dont on fait les présidents. Il y a eu Fraise des bois et monsieur Petite Blague - en référence à son habitude de multiplier les mots d'esprit. Jusqu'au plus célèbre de ses surnoms, Flamby, emprunté à une marque de crème caramel, ce dessert mou et inconsistant.

Avec une telle image, la carrière présidentielle de François Hollande n'allait pas de soi. «Hollande président? On croit rêver!», s'est un jour écrié l'ex-premier ministre socialiste Laurent Fabius.

Dimanche, ce rêve improbable s'est pourtant concrétisé. Et dès le lendemain du vote, les sceptiques confondus se sont empressés de corriger le tir.

Le président élu possède la «sagesse d'un paysan français», écrit l'éditorialiste du Nouvel Observateur, Jean Daniel. Le même hebdomadaire hisse François Hollande au rang de l'ex-président américain Franklin Roosevelt, portant sur ses épaules la responsabilité d'un «New Deal» pour sortir la France de la crise.

Un journaliste du Point le compare plutôt à un chat insaisissable qui fait l'indépendant mais ne rate jamais la distribution de lait.

Selon Antoine Guiral, journaliste politique à Libération, François Hollande tient plutôt de l'édredon: «Il a beau recevoir des coups de poing, il finit toujours par reprendre sa forme.»

Antoine Guiral connaît bien François Hollande. En décembre, il a passé deux jours avec lui dans son fief, la Corrèze. Il se souvient aussi de l'entrevue que lui a accordée le leader socialiste, au moment où il venait d'afficher ses ambitions présidentielles.

«Dès le début, il savait où il allait. Il avait déjà défini tous ses thèmes de campagne et tracé le point de départ et le point d'arrivée.» Parmi ces thèmes, l'idée d'un président «normal», après les frasques de Nicolas Sarkozy. L'idée, aussi, de représenter «l'espoir contre la peur».

Le journaliste avoue qu'il a longtemps sous-estimé François Hollande. Il le savait capable d'analyses politiques fines, qui ont fait de lui la coqueluche des journalistes. «Mais je ne l'imaginais pas comme quelqu'un capable d'affirmer sa volonté avec force. Pour moi, c'était un loser magnifique.»

Mais François Hollande a pris son temps. Et il a gagné.

Nouveau look

François Hollande est né il y a 57 ans, à Rouen, d'un père médecin qui soutenait le gouvernement de Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale. Et d'une mère assistante sociale.

Le futur président a étudié à l'École nationale d'administration, le moule de la classe politique française. C'est là qu'il a rencontré sa première femme, Ségolène Royal - dont il s'est séparé à l'issue de la campagne présidentielle de 2007, pendant laquelle Mme Royal portait les couleurs socialistes. Sa nouvelle compagne est la journaliste Valérie Trierweiler.

François Hollande a été chargé de mission pour son prédécesseur, François Mitterrand, dont il s'est beaucoup inspiré - dans sa gestuelle, mais aussi pour «l'art de cultiver le mystère» à son propre sujet, selon ce qu'il a confié à Antoine Guiral.

Il a été député, puis maire de Tulle, avant de devenir premier secrétaire du Parti socialiste, poste qu'il a occupé jusqu'en 2008. Il a réussi à maintenir l'unité du parti, avant de vivre une traversée du désert très difficile, selon ce que son fils Thomas a confié à un journaliste.

Puis, alors qu'un candidat de prestige se profile pour la candidature présidentielle - un certain Dominique Strauss-Kahn -, François Hollande décide de se jeter à l'eau. Il se lance à la conquête de la présidence.

Il perd du poids, change de lunettes, s'affiche avec des vestons mieux coupés: tout pour donner une nouvelle image, moins pataude et plus tranchante. Le chat est prêt à se lancer à l'assaut de son bol de lait.

Le test

La victoire de dimanche ne peut faire oublier le fait que François Hollande est arrivé au pouvoir un peu par défaut, en prenant le relais d'un président impopulaire, même si son propre programme et sa personnalité ne soulèvent pas un enthousiasme délirant. Ses électeurs sont sceptiques. Quand on leur demande ce qu'ils attendent de lui, la plupart répondent: «On verra bien.»

Et ils auront l'occasion de voir, très bientôt, de quel bois se chauffe leur nouveau président.

Car François Hollande veut sortir la France de la crise en investissant dans la croissance. Et il veut renégocier le pacte budgétaire européen, fondé sur les mesures d'austérité. «L'austérité n'est pas une fatalité», promet-il à ses électeurs.

Mais la chancelière allemande Angela Merkel l'attend au détour. Pas question de toucher au pacte, a-t-elle averti, hier.

Le mandat de François Hollande commence par une collision frontale avec Berlin. Son issue permettra de voir si le «François Hollande nouveau» est réel, ou s'il s'agissait d'une simple métamorphose électorale.