Au cours de la campagne électorale qui s'est terminée hier, Barack Obama avait pris l'habitude de comparer son pays à une auto qui aurait été lancée dans un précipice par l'administration Bush.

Dans sa métaphore, les démocrates s'affairent depuis deux ans à remettre le véhicule en état de marche. Au lieu de les aider, les républicains leur mettent des bâtons dans les roues. Et attendent tranquillement que la réparation soit terminée pour s'emparer des clés de la voiture.

Une belle allégorie... qui n'a manifestement pas passé la rampe. Les résultats du vote d'hier indiquent que les électeurs ont plutôt été convaincus par une autre lecture de la réalité, celle que leur offrent les républicains. Et selon laquelle, ayant hérité d'une économie en pleine débâcle, l'administration Obama a choisi de foncer dans la mauvaise direction, l'accélérateur au plancher.

On a dit toutes sortes de choses pour expliquer la vague rouge qui a déferlé sur les États-Unis, hier. Aucun parti au pouvoir ne serait sorti indemne de la crise qui secoue le pays. L'insécurité est généralisée. Le taux de chômage refuse de descendre sous les 10%. Les républicains en ont profité pour jouer la carte de la peur et de la démagogie tandis que Barack Obama, atteint d'un «déficit de communication», n'a pas su vendre sa vision à son peuple.

On a dit tout ça. Mais qu'ils aient tort ou raison, qu'ils aient voté parce qu'ils avaient peur ou parce qu'ils ont été victimes de quelque manipulation, le fait est là, incontournable: la majorité des électeurs a rejeté hier la direction suivie depuis deux ans à Washington. Au cours d'un récent reportage en Indiana, j'ai rencontré des électeurs républicains plus convaincus que jamais de savoir ce dont leur pays a besoin pour sortir de la crise. En gros: réduire les dépenses, baisser les impôts, mettre l'État au régime.

J'ai aussi rencontré des électeurs qui avaient voté démocrate en 2008 et qui, tout en comprenant qu'Obama n'est responsable ni de la crise actuelle, ni de l'obstruction qui l'a empêché de mener à bien ses réformes, n'en étaient pas moins déçus et désemparés. Ils étaient dégoûtés, aussi, par une campagne extrêmement agressive qui, avec des dépenses estimées à 4milliards de dollars, était en voie de battre tous les records de coûts électoraux.

Certains d'entre eux envisageaient de voter pour des candidats républicains. Ou alors de ne pas voter du tout. Pour eux, ces élections étaient d'abord et avant tout les élections du désarroi.

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Au moment de mettre sous presse, les républicains se dirigeaient vers un gain de 52 sièges à la Chambre des représentants - 13 de plus que le nombre dont ils avaient besoin pour être majoritaires. Mais les démocrates ont pu préserver leur majorité au Sénat.

Ce n'est pas le pire scénario possible pour les démocrates. Mais cela suffit amplement pour conclure qu'une majorité d'électeurs ont rejeté la vision de l'administration Obama.

Ce rejet n'est pas dépourvu de contradictions. Selon un récent sondage, seule une infime minorité impute les ratés économiques à leur président. Beaucoup plus nombreux sont ceux qui les attribuent à son prédécesseur, George W. Bush, ou alors aux institutions financières.

Mais en deux ans de présidence, Barack Obama n'a pas su relever le pays. Tout au plus a-t-il empêché le pire... ce dont peu de gens se souviennent aujourd'hui. Les républicains, eux, ont su se distancer de leur ancien chef. Et se présenter comme la force du changement.

Et maintenant? Comme Bill Clinton avant lui, Barack Obama verra dorénavant sa marge de manoeuvre réduite. Mais il conserve son droit de veto. Ses grandes réformes, telles la nouvelle réglementation des institutions financières ou la réforme de l'assurance santé, risquent d'être ralenties - voire partiellement démantelées.

De plus, il devra dorénavant composer avec des voix plus radicales, celles de nouveaux élus du Tea Party. Ceux qui croyaient que ces candidats ultra-conservateurs, souvent populistes, agiraient comme des repoussoirs et précipiteraient les électeurs hésitants dans les bras des démocrates se sont trompés. Qu'on le veuille ou non, le Tea Party, qui a su canaliser la frustration des électeurs, est bien en selle.

Finalement, ceux qui avaient cru voir émerger une «nouvelle Amérique» il y a deux ans sont brutalement ramenés sur terre. Les États-Unis restent ce qu'ils étaient : un pays profondément divisé.