Deux mois après sa visite catastrophique à Washington, où il n'a même pas eu droit à la rituelle séance de photo avec le président Barack Obama, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou entreprend cette semaine une sorte de tournée réparatrice, destinée d'abord et avant tout à recoller les pots cassés.

Mais avant de fouler de nouveau le sol de la Maison-Blanche, demain, Benyamin Nétanyahou doit d'abord s'arrêter à Ottawa pour y rencontrer le premier ministre Stephen Harper.

 

Ce voyage a une forte valeur symbolique. Car c'est la première fois qu'un premier ministre israélien se rend en visite officielle au Canada depuis la venue de Yitzhak Rabin, en 1994. Et c'est également le premier passage officiel pour Benyamin Nétanyahou depuis son séjour tumultueux qui avait occasionné une quasi-émeute à l'Université Concordia, où il devait prononcer une conférence, en septembre 2002.

Les choses ont bien changé depuis huit ans. Benyamin Nétanyahou, qui incarnait à l'époque le visage le plus dur de la droite israélienne, a repris le pouvoir grâce aux alliances conclues avec des politiciens encore plus intransigeants que lui.

Au Canada, les choses ont également évolué: le gouvernement actuel est le plus complaisant à l'égard de la droite israélienne que l'on n'ait jamais vu à Ottawa. Quand les Palestiniens ont voté majoritairement pour le Hamas, il y a quatre ans, le Canada a été le premier État à rompre toute relation avec l'Autorité palestinienne. Le gouvernement Harper a montré un appui indéfectible à l'État hébreu pendant les guerres du Liban et de Gaza. Et l'ACDI a tendance à couper les vivres aux organismes humanitaires soupçonnés d'être trop critiques à l'égard d'Israël.

En mars dernier, Israël a annoncé un ambitieux projet de construction à Jérusalem-Est, la partie arabe de la ville sainte, au moment même où le vice-président américain Joe Biden débarquait à Jérusalem. Perçu comme une provocation, ce geste avait jeté une douche glaciale sur les relations entre les deux pays.

Ottawa a réagi en servant quelques critiques à l'État hébreu, lui reprochant de «faire obstacle aux perspectives de paix.» Mais ce n'était qu'un pâle reflet du vent de colère qui avait alors soufflé sur Washington.

Bref, pour l'essentiel, la visite de Benyamin Nétanyahou survient dans un climat de chaleur et d'amitié. Et Israël mise sur cette rencontre pour obtenir un soutien du Canada dans sa politique face à l'Iran.

Il est important que l'opinion publique reconnaisse le danger que représente ce pays, souligne-t-on au Comité Canada-Israël, selon lequel la visite de Benyamin Nétanyahou sera l'occasion de faire «valider» sa position musclée à l'endroit de Téhéran.

Mais la crainte de voir l'Iran se doter de l'arme nucléaire, aussi légitime soit-elle, ne servira-t-elle pas aussi à détourner l'attention de la question des constructions? À noyer le poisson de la colonisation?

Stephen Harper se contentera-t-il de célébrer son amitié avec Israël et dénoncer le régime iranien? Ou répétera-t-il son appel à stopper les constructions à Jérusalem-Est et en Cisjordanie?

Ces questions sont d'autant plus pertinentes que le «sommet» canadien sert en quelque sorte de préambule à l'autre rencontre, celle qui aura lieu demain à Washington.

Depuis qu'il a fait sortir Benyamin Nétanyahou par sa porte de service, Barack Obama a ouvert une offensive diplomatique visant à réchauffer ses relations avec Israël et à rassurer son électorat juif. Et la rencontre de demain est le point culminant de ces efforts.

Jusqu'où ira le président américain pour rétablir ses liens avec son allié au Proche-Orient? Restera-t-il ferme sur la question des implantations juives dans les territoires occupés?

Selon Joshua Landis, directeur d'un centre de recherche sur le Moyen-Orient à l'Université de l'Oklahoma, la marge de manoeuvre de Barack Obama est mince: les élections de mi-mandat ne sont pas loin. Il s'attend donc à ce que la visite de Benyamin Nétanyahou ne soit, pour l'essentiel qu'une «affaire d'amour.»

Si c'est le cas aux États-Unis, imaginez à Ottawa.