Hier matin, le premier ministre Stephen Harper s'est engagé à réduire de moitié, de 4 cents à 2 cents, la taxe d'accise sur le diesel et le carburant des avions.

En soi, par son impact, il s'agit d'une mesure assez mineure. Mais cette première promesse est sans doute l'élément le plus significatif de ce début de campagne électorale, parce qu'elle illustre de façon splendide ce que l'on pourrait appeler la méthode Harper, son talent pour structurer sa campagne autour de promesses conçues et formulées avec une précision chirurgicale tout à fait redoutable.

Le premier ministre reprend l'approche qui lui a si bien réussi lors de la précédente campagne électorale, celle de proposer un projet de gouvernement qui repose sur des engagements simples, pratiques et faciles à comprendre. Et de le faire en réussissant à faire mal à son principal adversaire.

En promettant de baisser le prix du diesel, le chef conservateur enfonce son scalpel dans la plaie suppurante qui affaiblit son adversaire Stéphane Dion, l'impopulaire Tournant vert. Avec un message d'une efficacité redoutable: Stéphane Dion veut augmenter le prix du carburant, moi, je le baisse.

Dans leurs publicités négatives, les conservateurs ont multiplié des attaques sans fondement contre les libéraux. Mais dans ce cas-ci, le message est sans faille. Le Tournant vert prévoit une augmentation de 7 cents sur une période de quatre ans de la taxe d'accise sur le diesel. Les conservateurs veulent la baisser de 2 cents. Je n'aimerais pas être à la place d'un candidat libéral dans une circonscription rurale.

Sur le terrain, les libéraux pourront toujours atténuer le choc en rappelant que leur chef a récemment annoncé des mesures d'atténuation pour les agriculteurs et les pêcheurs. Ce sera pire, parce qu'il leur faudra expliquer les modalités de cette aide, par exemple lorsqu'un pêcheur modifie une buse ou une hélice. Ils s'enfonceront en mettant en relief la complexité du projet et en donnant raison à Stephen Harper qui, contrairement à M. Dion, ne veut pas promettre «de nouvelles mesures révolutionnaires».

On retrouve également dans cette promesse une des autres grandes constantes de la démarche conservatrice, et c'est le talent à cibler ses clientèles et à lier les initiatives aux familles. À un premier niveau, l'engagement profite aux gros utilisateurs de diesel, l'industrie du camionnage ou encore l'agriculture. Mais il a été présenté comme une initiative qui viendra en aide à M. et Mme Tout-le-monde. «En cette période où les Canadiens s'inquiètent de l'augmentation des prix et du coût de l'énergie, nous devrions faire tout ce que nous pouvons pour réduire les prix.»

C'est du blabla. Cette baisse de 2 cents représente une diminution d'environ 1,48% du prix du litre de diesel, à condition que les pétrolières la refilent en entier aux utilisateurs. Cette petite réduction ne touche qu'une partie des frais de transport, puisqu'il y a d'autres coûts que le carburant. Et les coûts de transports ne constituent, à leur tour, qu'une portion relativement modeste du prix des biens de consommation. Quel sera l'effet net sur le consommateur? Trop peu pour que ça paraisse à la caisse enregistreuse.

Cette mesure va à en outre à contre-courant des politiques environnementales reconnues, puisqu'une baisse du prix des hydrocarbures aura tendance à encourager la consommation et donc, à favoriser les émissions de gaz à effets de serre.

La réponse de M. Harper, à cet égard, est assez étonnante. Il ne veut pas, dit-il, taxer des activités essentielles aux citoyens, comme le fait Stéphane Dion. On a besoin de camions pour transporter de denrées, on a besoin d'avions, explique le premier ministre. Tandis que ses propres politiques cherchent plutôt à contraindre les industries polluantes.

Le raisonnement peut sembler attrayant, mais il résiste mal à l'analyse. Ce n'est pas parce qu'une activité est utile qu'elle doit être épargnée dans les efforts de réduction de GES. La plupart des activités polluantes sont nécessaires, que ce soit l'agriculture, le chauffage des maisons, et aussi la production industrielle: on a besoin de papier, d'ordinateurs, de plastique, de peinture, de métal. La question est de savoir comment on peut transformer nos habitudes et réduire les impacts négatifs. Notamment dans les transports, qui comptent, au Québec, pour 38% des émissions de GES.

Bref, les 600 millions que coûterait cette promesse n'aideront pas les consommateurs, et n'aideront pas le camionnage de la bonne façon. C'est de l'argent mal dépensé. Mais cela n'empêchera sans doute pas M. Harper de marquer des points. Voilà un cas, encore une fois, où une mauvaise politique devient de la bonne politique.