Le débat sur les bagarres au hockey junior est fort intéressant, mais pendant ce temps, on oublie ce qu'il y a de pire au hockey junior québécois: les études.

Cette ligue, qui prend ses recrues à 16 ans et qui les garde jusqu'à 20, est à peu près incapable de diplômer des cégépiens.

Le printemps dernier, pourtant, la très mal nommée Ligue de hockey junior majeur du Québec a publié un communiqué jovialiste nous laissant croire que ses membres réussissaient mieux que les jeunes garçons en général, même ceux qui pratiquent un sport organisé.

Ça dépend évidemment de ce qu'on veut dire par "réussite".

Les chiffres varient d'une année à l'autre, mais en moyenne, les garçons québécois au cégep avaient un taux de réussite de 72% en 2005, ce qui veut dire qu'ils avaient la note de passage dans sept cours sur dix. Ceux qui pratiquent un sport fédéré avaient un taux de réussite de 79,5%. Et règle générale, ceux qui pratiquent des sports scolaires ont de meilleurs taux de réussite à l'école que la moyenne.

Mais, à l'automne 2007, tenez-vous bien, les p'tits gars de la LHJMQ les battaient tous, d'après la ligue: ils avaient un taux de réussite de 84%!

Épatant, non? N'est-ce pas la preuve que le hockey junior prend les études au sérieux, enfin?

Eh ben non.

Voyez-vous, nos joueurs de hockey junior étaient inscrits à seulement 2,5 cours en moyenne, au semestre d'automne 2007. Un élève de cégep à temps plein suit sept ou huit cours par semestre, selon le programme. On comprendra qu'on ne puisse pas le comparer à quelqu'un qui en suit trois fois moins.

J'ai dit que la LHJMQ était mal nommée, d'abord parce que sept de ses dix-huit équipes sont hors du Québec, notamment à Halifax, à Lewiston, dans le Maine, et à Charlottetown, la très charmante capitale de l'Île-du-Prince-Édouard.

Sur les 435 joueurs de la ligue, seulement 264 sont des Québécois. Les autres sont des Canadiens d'autres provinces, des Américains et des Européens. Tant qu'à se prendre pour une petite Ligue nationale...

Sur les 264 joueurs québécois, 150 fréquentent le cégep en 2008; il y en a 64 qui sont en quatrième ou cinquième secondaire, dont 12 qui suivent les cours à distance d'institutions anglophones; 32 sont affiliés à un collège américain ou à une université; sept sont étudiants libres et 11 n'étudient pas (ils ont 19 ou 20 ans).

La plupart, donc, "fréquentent" une institution scolaire, même si c'est parfois par l'internet.

Les cégépiens qui jouent au Québec sont censés être inscrits à quatre cours, ceux de l'extérieur à deux. Mais en 2007, les 147 inscrits suivaient 374 cours en tout, donc 2,5 par élève.

Deux cours par semestre, cela voudrait dire un DEC en huit ans. Encore heureux qu'ils n'en coulent qu'un sur cinq...

Êtes-vous impressionné? Vous aurez remarqué sur le site de la LHJMQ qu'on ne parle pas de taux d'obtention de diplôme. La raison est simple: c'est un échec à peu près total.

Les athlètes d'élite dans les cégeps, au football par exemple, sont tenus de réussir - pas de suivre, de réussir - au moins neuf cours sur deux semestres. Ce n'est pas la mer du Savoir à avaler, mais enfin, c'est déjà ça. D'autant plus qu'on scolarise dans le sport étudiant bien des décrocheurs qui s'accrochent par la peau d'un ballon.

Je sais, je sais, c'est bien mieux qu'avant dans le hockey junior. Imaginez: en 1985, le taux de réussite dans la LHJMQ était de 65%, pour ceux qui suivaient quelque chose.

Je sais aussi qu'on trouve dans cette ligue des éducateurs dévoués, compétents, qui sont en train d'appeler à La Presse pour se désabonner en lisant ma chronique. Je sais que des organisations prennent vraiment au sérieux l'éducation. Je sais tout ça, messieurs de Drummondville, ne vous choquez pas. J'ai rencontré l'an dernier un ancien joueur des Remparts qui étudie en droit à McGill. Je sais qu'après le hockey junior, on n'est pas banni de l'éducation.

Il n'en reste pas moins que le système même de cette ligue, qui fait jouer trop de matchs trop loin, est fondamentalement anti-éducatif. Mais oui, il y en a qui réussissent. Il y a des héros partout.

Mais pendant ce temps-là, les collèges et les universités américains font jouer deux ou trois fois moins de parties (sans bagarres) à leurs élèves (qui s'entraînent deux ou trois fois plus); et en passant, on s'arrange pour leur former le cerveau. Ils sortent avec un diplôme et il y en a même pour dire qu'ils font de meilleurs joueurs de hockey.

Achalant, non?

Et nous, on se péterait les bretelles avec un faramineux taux de réussite de 2,1 petits cours par cégépien? C'est ça qu'on appelle éduquer les jeunes?

Moi, j'appelle ça un magnifique décor statistique planté devant ce formidable business du hockey junior, pour endormir les parents et le ministère de l'Éducation. J'appelle encore ça un système d'exploitation des jeunes.

Ils méritent mieux que ça.

Pour joindre notre chroniqueur: yves.boisvert@lapresse.ca