Crés gens de Québec! Tu prends leur défense, tu écris en toutes lettres qu'ils sont trop souvent, et trop injustement ignorés par le grand cirque médiatique montréalais, et qu'est-ce que tu reçois en retour? Des fleurs? (Une précision: «tu» es montréalais). Nenni. Une avalanche de haine contenue dans les petites susceptibilités d'un orgueil chatouilleux au possible.

Je ne vous ferai pas le plaisir d'extraits des courriels - certains parmi les plus fielleux reçus en 15 ans de carrière - suscités par ma chronique de jeudi dernier («En mission spéciale chez les Papous»). Vous lisez un journal familial. Je préciserai seulement que ce n'est pas toi que je traite de Papou, mon pauvre Bonhomme Carnaval. J'ironise. Pour mieux souligner l'absurdité de ta situation. Tu ne comprends pas l'ironie, mon vieux Ringo?

Aussi, chers lecteurs de la Sérénissime Capitale, je sais pertinemment que Van Halen a ouvert le Festival d'été, non pas les festivités du 400e. Or il se trouve que l'organisateur en chef du 400e est aussi le grand patron (en congé sans solde) du Festival d'été, qui a eu lieu (tiens, tiens) pendant les festivités du 400e. Et que Van Halen était la tête d'affiche has-been des activités du 3 juillet, la date exacte du 400e anniversaire de la fondation de Québec. Coïncidence? Je sais, je sais. Vous me prenez déjà pour un con.

Cette semaine, je m'en confesse, en lisant le soixantième courriel de bêtises venu du 418, je me suis dit que Québec méritait peut-être finalement le grand retour en ondes de Jeff Fillion (il a été pressenti pour l'émission du matin à TQS). Surtout que ce grand retour serait diffusé simultanément à Montréal. Il n'y a rien comme une caricature de Papou pour perpétuer les préjugés sur les Papous et consacrer leur statut de victimes perpétuelles. De l'ironie, Bonhomme. De l'ironie.

Venise à voir et à écouter

Ce ne sera pas qu'un récital. Ce sera aussi une projection. Et un documentaire. Mort à Venise, le récital que prépare le pianiste Louis Lortie pour le 2 août, au Centre d'arts Orford, aura ceci de particulier qu'il sera accompagné d'images, filmées par Mathieu Roy. Autant de vignettes conçues comme compléments aux oeuvres interprétées par Lortie et inspirées à des compositeurs par la Sérénissime, Venise.

Le projet est né de la rencontre du pianiste avec le jeune cinéaste, grâce à un ami commun, François Girard, à qui Mathieu Roy a consacré un documentaire en 2005, François Girard en trois actes. «J'ai d'abord travaillé sur le site internet de Louis, puis il m'a fait part de cette idée, explique Mathieu Roy. Il m'a fait écouter des pièces et m'a parlé des images que la musique lui inspirait. Mais il m'a laissé libre d'en faire ce que je voulais, avec une volonté que ce soit abstrait.»

C'est en hommage à Venise que Louis Lortie a décidé d'interpréter des oeuvres de Debussy, Liszt, Chopin et de compositeurs vénitiens (Nono, Sciarrino, etc.), eux aussi inspirés par la ville. Il interprétera entre autres La Lugubre Gondole, de Liszt, ode à Richard Wagner, mort à Venise, dont Liszt avait eu, semble-t-il, une prémonition du décès.

Selon Mathieu Roy, il s'agira de la première fois qu'un pianiste solo utilise des images filmées spécifiquement à cet effet à l'appui d'un récital, une technique de plus en plus usitée dans le monde de la musique populaire.

Ce «concert visuel», dont j'ai pu voir quelques extraits cette semaine, s'annonce particulièrement poétique. Images abstraites ou réalistes, évoquant Venise grâce à des effets variés, comme ces fondus enchaînés de tableaux de Manet, Monet et Turner, fort réussis, qui s'illuminent sur une musique de Fauré en devenant des monuments de la Cité des Doges.

Mathieu Roy a tourné ces images en deux temps à Venise, en décembre dernier, puis à la fin mai. Le style est tantôt sobre, tantôt éclaté, les images épousant parfois le rythme de la musique, pour un tour guidé en crescendo, entrecoupé de portraits de Vénitiens.

Le cinéaste prépare en filigrane un documentaire sur ce projet vénitien, qui doit ouvrir le Festival international du film sur l'art (FIFA), le 19 mars prochain. On y verra Louis Lortie au piano, dans des séquences filmées dans la salle de concert privée du pianiste, ingénieur et concepteur Paolo Fazioli, à 60 km de Venise, et expliquant l'influence de la ville sur les différents compositeurs.

Mort à Venise sera présenté en avant-première au Festival Westben, en Ontario, le 29 juillet, puis le 3 août à Ottawa, au lendemain du récital d'Orford. À entendre donc. Et à voir aussi.