Les 50 ans de Mick Jagger, il y a de cela au moins un siècle, ont occupé les manchettes pendant au moins six mois. Même chose pour les 50 ans d'Hillary Clinton. De Vogue jusqu'à Time et Newsweek, la première quinqua de la Maison-Blanche a affiché fièrement ses 50 ans sur les couvertures des principaux magazines de l'époque.

Je m'attendais à la même débauche samedi, jour du 50e anniversaire de Madonna. Mais contre toute attente, la débauche n'a pas eu lieu. Hormis la couverture du New York Magazine où son visage, strié des lignes dessinées par le marqueur d'un maître boucher, posait l'éternelle question de la chirurgie plastique, les 50 ans de Madonna semblent avoir été célébrés dans le silence, l'abstinence et la plus grande indifférence médiatique.

Il faut dire que la principale intéressée a tout fait pour dédramatiser l'événement et pour le rendre aussi palpitant qu'une partie de pétanque dans un champ de patates. Quelques jours avant de franchir ce qui, en principe pour une femme, est un cap psychologique important, Madonna a annoncé par la bouche de son attachée de presse qu'elle se foutait éperdument d'avoir 50 ans. «De toute façon, ça fait depuis que j'ai 40 ans que vous me cassez les pieds avec ça», a-t-elle ajouté à l'intention des médias.

C'était typique de la madone, toujours aussi baveuse même à 50 ans.

Mais c'était aussi un peu inévitable de la part d'une femme qui, depuis une bonne décennie, lutte âprement pour rester dans le coup et pour avoir l'air aussi jeune et fringante qu'à ses débuts, malgré le naufrage inéluctable du vieillissement qui la guette.

À cet égard, Madonna incarne à la fois l'anti-quinqua par excellence et la quintessence de la quinqua moderne.

Anti-quinqua parce qu'elle refuse avec l'énergie du désespoir d'avoir 50 ans et n'hésite pas à soumettre son corps à mille supplices physiques et son visage à toutes les nouvelles technologies de la bioplastie. Tout cela avec la volonté ferme et obstinée de ralentir sinon de détourner l'irréparable outrage du temps.

Quintessence de la quinquagénaire parce qu'elle incarne les valeurs d'un jeunisme exacerbé et porté par une grande partie des femmes de l'Occident comme de l'Orient pour qui vieillir en beauté signifie communier au temple de l'éternelle jeunesse.

Dans ce temple rempli de miroirs aveugles, non seulement les femmes refusent leur âge véritable, mais s'accrochent, comme Madonna, à un âge fétiche qui dépasse rarement 25 ans. De ce fait, elles n'avancent pas en âge. Elles régressent avec l'espoir fou de retrouver leur corps et leur visage d'antan, quitte à les fabriquer artificiellement.

De ce combat sans fin et sans merci, Madonna est sans aucun doute la championne. Et cela ne date pas d'hier. Avant même que le jeunisme ne devienne la religion du jour, la madone avait déjà entrepris de grands travaux sur elle-même et sur son physique.

Ce faisant, elle a réussi à maintenir une forme, une souplesse et une élasticité qu'elle n'avait probablement pas à 20 ans. Son corps est, à 50 ans, aussi mince et tranchant qu'une lame de couteau et lui permet d'être aussi sexy dans les jeans d'une pré-ado que dans les dessous affriolants d'une star de la porno. Et grâce à la bioplastie, une technique proche du rembourrage qui redonne du volume et des rondeurs de bébé à la peau, son visage est aussi lisse et juvénile que celui d'une jeune fille qui n'a pas encore été éprouvée par la vie.

Bref, au plan de l'image et de l'apparence, les grands travaux de la quinqua sont une grande réussite, voire une impressionnante oeuvre d'art.

Pourtant, quand je la regarde danser comme une gazelle dans ses vidéoclips et faire un pied de nez à tous ceux qui veulent l'enfermer dans sa case de quinqua, je ne peux m'empêcher de voir une femme désespérée qui a mobilisé toutes ses énergies pour une cause qu'elle est condamnée à perdre. Qu'elle le veuille ou non, Madonna ne pourra pas continuer éternellement de faire semblant qu'elle est une jeune poulette. Je prie pour qu'elle ait la décence de s'en rendre compte avant qu'elle ne devienne une vieille caricature d'elle-même.