C'est tellement risible. Sur les sites des Jeux olympiques, sachez-le, il y a une liste des 205 drapeaux qui ont droit de cité. Une liste!

Ces 205 drapeaux?

Ceux des 205 pays en compétition aux Jeux olympiques. That's it, that's all.

Ne figurent donc pas sur la liste: la croix de Saint-Georges des Anglais. La croix de Saint-André des écossais. Le dragon rouge gallois. Le lion des Flandres. Les barres de la Catalogne. Le Lone Star texan.

Ni, bien sûr, le fleurdelisé québécois

Pourquoi une liste? Officiellement, c'est pour éviter de faire des Jeux une plateforme de propagande. Officieusement, c'est parce que les dictateurs chinois vont se taper une crise cardiaque collective si quelqu'un agite le drapeau du Tibet...

On aurait cru qu'une telle ingérence dans la démonstration identitaire individuelle causerait un déluge de protestation. Mais non: Sylvie Bernier, ex-championne de plongeon (Los Angeles, 1984), chef de la mission canadienne à Pékin et propriétaire de splendides lunettes roses, nous assure que les athlètes ne doivent pas faire de politique, aux Jeux.

«Je ne pense pas, a-t-elle déclaré à mon collègue Jean-François Bégin, que les Jeux soient l'endroit pour participer à une manifestation, sortir un drapeau ou porter un brassard. Si chaque athlète arrivait avec sa cause, les JO n'existeraient plus. Ce ne serait plus une manifestation sportive si extraordinaire et universelle.»

Que peut-on faire? Pas grand-chose. Il est trop tard. On a choisi de donner les Jeux à un État dictatorial qui sacre en prison des blogueurs jugés subversifs et qui croit que le site web de la BBC est une menace à la sécurité nationale.

La Flandre a protesté officiellement. Un cycliste écossais a dit sa déception. C'est bien de voir que tous ne sont pas en mode Moquette Coquette, façon Sylvie Bernier.

On sait bien que Jean Charest ne s'immolera pas par le feu place Tian'anmen pour protester, drapé dans le drapeau du Québec. Mais une simple déclaration d'indignation fera l'affaire. Juste pour contredire ceux qui le disent plus attaché au Canada qu'au Québec, tiens.

Je me demande ce que Catriona Le May Doan en penserait. Médaillée d'or en patinage de vitesse à Salt Lake City, en 2002, elle a fait un tour d'honneur avec l'unifolié et avec le drapeau de la Saskatchewan.

Heureusement que ces Jeux n'avaient pas lieu en Chine! Pauvre Catriona, on l'aurait envoyée en rééducation pour crime de propagande saskatchewanaise

Bon, lorsque les Jeux se tiennent dans des États fonctionnels qui n'ont pas peur de leur ombre, dans des États qui ne sont pas toujours en train de se demander si l'Étranger ne cherche pas à les humilier, on n'a pas à dire à la maman catalane, au chum écossais, au papa québécois ou au spectateur texan quel drapeau il peut, ou pas, agiter.

Évidemment, pour une dictature habituée à une planification centralisée de tous les aspects de la société, c'est compliqué, l'identité. Un slogan à la One Dream, One World, c'est bien plus simple à comprendre.

Impossible qu'un apparatchik chinois comprenne la beauté de la devise catalane: Som i serem.

Som i serem? Nous sommes et nous serons.