Avez-vous vu le film de l'été? Mais non, pas le dernier Batman. Je parle du film d'horreur «Les idéologues contre-attaquent».

Un navet, je vous préviens. Mais qui fait des dégâts. Voici les trois acteurs principaux de cette production à petit budget made in Ottawa .

Le père Fouettard

Jean-Pierre Blackburn, ministre du Développement économique du Canada, a coupé les subventions à des dizaines d'OSBL oeuvrant dans le développement économique. Comme ça, sans crier gare.

Je ne parle pas ici d'OSBL favorisant le recyclage de vieux rideaux d'hôpitaux en pantalons pour les Africains. Je parle d'organismes comme Montréal International, Nano-Québec, le Bureau du cinéma de Montréal. En tout, 65 organismes dont les efforts contribuent à attirer au Québec des jobs et des investissements.

La décision a fait bondir Raymond Bachand, ministre québécois du Développement économique, qui a pris la décision - inusitée pour un ministre de Jean Charest - de planter publiquement M. Blackburn.

M. Blackburn fait à sa tête. Les chèques, dit-il, vont aller aux entreprises. Pas à la «bureaucratie communautaire».

Sauf que M. Bachand a reçu l'appui d'une bonne partie du Québec Inc. Des gens d'affaires, là, pas des sales communistes vivant aux bottes de la société, ont également pourfendu M. Blackburn.

Pas grave. Le père Fouettard de Jonquière, qui se vante stupidement de signer chaque chèque sortant de son ministère, s'entête. L'idée, c'est que les «structures», pouah, c'est mauvais. Il persiste et singe.

«Il est plus bocké que jamais, me disait hier M. Bachand. On ne laissera pas passer ça. Les gens s'organisent, partout. C'est un idéologue.»

La figurante

Puis, il y a eu cette abolition de programmes d'appui aux artistes, chez Patrimoine Canada, notamment en ce qui a trait aux voyages à l'étranger. Au Québec, des organismes comme la Société des arts technologiques perdent une grande partie de leur financement.

Ces compressions ont été abondamment décriées comme stupides, contre-productives et frivoles.

J'aimerais bien dire que la ministre du Patrimoine, Josée Verner, a joué quelques scènes dans ce film, sauf que ce n'est pas le cas. Celle qui devrait défendre la culture canadienne a surtout laissé les attachés de presse expliquer, comme c'est bien souvent le cas.

Parallèlement aux compressions chez Patrimoine, le ministère des Affaires extérieures a tué un programme de subvention aux artistes en tournées. Pour bien flatter les rednecks, les attachés politiques conservateurs ont dit que certains artistes bénéficiant des largesses de l'État affichaient des idées répréhensibles.

Ou des noms de peu de goût, comme ce groupe, Holy Fuck. Pouache.

Le croisé

Puis, il y a Tony Clement, ministre de la Santé du Canada. Le plus moralisateur des trois idéologues. Le plus bushiste, en tout cas. Son combat, à Clement, c'est les junkies de Vancouver.

À Vancouver, existe un site d'injection supervisé. L'idée peut sembler contre-nature, mais Insite permet aux junkies de se shooter sous la supervision de personnel médical.

Pourquoi? Pour stopper l'épidémie de sida et d'hépatite C chez les junkies. Épidémie qui, fatalement, finit par infecter des non-junkies, le sexe étant une drogue plus répandue encore que l'héroïne.

Je sais, c'est une idée bizarre. Mais qui a du potentiel. Qui existe ailleurs. Et qui a l'appui de l'Organisation mondiale de la santé. Juste ça, l'OMS!

Mais pour Clement, drogue = pas bon; donc Insite = pas bon; donc, médecins qui croient qu'un site d'injection supervisé est une bonne chose = maudits pas bons.

Il l'a dit, à peu près en ces mots. Pas de farces. L'Association médicale canadienne lui a servi une rebuffade.

Pas grave. Insite va sûrement crever, parce que la drogue, c'est pas bon. Qu'importe si Insite fonctionne.

Le lien entre ces trois cas? Eh bien, dans ces trois cas, on a trois ministres conservateurs qui s'entêtent de façon spectaculairement ridicule à défendre des décisions indéfendables. Des décisions décriées par leurs milieux respectifs, avec une vigueur rare.

«Dans l'histoire d'Insite, les arguments que j'entends ne sont pas basés sur des faits, me dit le Dr Suzanne Brissette, chef du service des toxicomanies du CHUM. C'est de l'idéologie. Le ministre Clement ignore les faits.»

Raymond Bachand, lui, sous-entend que l'entêtement de son vis-à-vis Blackburn n'est peut-être qu'un symptôme. «Il faut poser la question: le problème, est-ce Jean-Pierre Blackburn ou le gouvernement conservateur. Le premier ministre Harper ne l'a pas rappelé à l'ordre.»

La Dre Brissette, elle, trouve qu'il n'est pas exagéré de dire que le combat de Tony Clement contre Insite est du même crin que celui que mènent les «born-again christians» américains contre la théorie de l'évolution.

On en est là.