Ainsi donc, un des secrets les plus mal gardés de l'histoire récente du hockey est finalement confirmé : Vincent Lecavalier terminera sa carrière dans l'uniforme de l'équipe qui l'a repêché, le Lightning de Tampa Bay – pour le plus grand malheur des partisans du Canadien qui s'accrochaient à l'espoir de le voir un jour porter le bleu-blanc-rouge.

J'entendais Philippe Lecavalier, hier, affirmer sur les ondes de CKAC que son frère avait «pensé» à la possibilité de devenir joueur autonome l'été prochain. Qu'il avait «jonglé» avec l'idée de venir alors jouer pour le Canadien, l'équipe de son enfance et de l'autre grand numéro 4, Jean Béliveau.

Remercions le clan Lecavalier pour sa politesse et son sens de la diplomatie. Admettons que Vincent a sûrement fantasmé une minute ou deux à l'idée d'enfiler le chandail du CH. Mais depuis le début, son coeur était ailleurs : sur la côte ouest de la Floride, là où il a remporté la Coupe Stanley en 2004. À Tampa.

Sa vie est là-bas. Sa soeur est mariée à un Américain et habite la région. Ses parents y passent six mois par année. Il y a donné des millions pour un projet d'agrandissement d'un hôpital pour enfants. Il n'a pas à pelleter l'entrée de sa luxueuse résidence en hiver. Il peut se rendre aux entraînements du Lightning en sandales. Et les terrains de golf sont ouverts à longueur d'année.

Ajoutez un taux d'imposition plus favorable que celui du Québec et le fait de ne pas avoir à se taper quotidiennement le cirque médiatique de Montréal (quoique, en toute justice, la pression n'a jamais fait peur à cet ancien de l'Océanic de Rimouski). Et vous comprendrez que l'idée de voir Lecavalier drapé dans la Sainte-Flanellette a toujours été une vaine chimère.

En plus, ça bouge à Tampa depuis qu'Oren Koules et Len Barrie, les hyperactifs propriétaires du Lightning, ont acheté l'équipe. Au cours du dernier mois, Vaclav Prospal, Ryan Malone, Gary Roberts, Brian Rolston, Janne Niskala, Matt Carle, Mark Recchi et Brandon Bochenski ont été embauchés, tandis que le défenseur étoile Dan Boyle et quelques autres sont partis. Et Steven Stamkos a été choisi au tout premier rang du repêchage amateur.

Le dynamisme retrouvé du Lightning semble avoir inspiré Lecavalier. «J'ai vraiment confiance, disait-il à mon collègue Mathias Brunet, à la fin juin. J'aime la passion des nouveaux propriétaires et leur volonté de changer les choses. Nos jeunes défenseurs peuvent seulement s'améliorer d'année en année. On a trouvé un bon gardien. À l'attaque, Prospal (...) viendra compléter un trio avec Martin (St-Louis) et moi.»

On verra si l'activité frénétique du duo Koules-Barrie produira les résultats escomptés. (Perdre un défenseur du calibre de Dan Boyle est rarement une bonne nouvelle, la date de péremption de Mark Recchi et Gary Roberts va bien finir par arriver et on se reparlera de Ryan Malone dans sept ans.) Mais bon, le Lightning peut difficilement faire pire que l'an dernier...

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Si elle est compréhensible, la décision de Vincent Lecavalier de rester à Tampa nous rappelle (encore une fois) que la force d'attraction du Canadien sur les joueurs québécois n'est plus ce qu'elle était. Ils grandissent en rêvant de jouer au Centre Bell et s'imaginent patinant sous les bannières de Maurice Richard, Guy Lafleur et Jacques Plante. Mais leur loyauté s'estompe dès le jour où ils sont repêchés.

Et ça se comprend. Dans un monde qui s'est internationalisé, le hockey n'est plus différent de la médecine, de l'informatique ou du monde des affaires. Les cracks ne se sentent pas attachés à perpétuelle demeure à la société qui les a formés. Et ils ne se sentent pas obligés de revenir une fois leurs millions faits – surtout quand il y a 85 autres à la clé.

La seule chose surprenante dans l'entente signée par l'attaquant de 28 ans, c'est sa durée : 11 ans, ce qui amènera Lecavalier aux portes de la retraite. Pour le bien du Lightning, son épaule récemment opérée est mieux de tenir le coup!

Une échappatoire de plus

Plus le temps passe, plus on se rend compte que la convention collective de la LNH, un document de plus de 450 pages, regorge d'échappatoires. C'est d'ailleurs pour permettre au Lightning de profiter de l'une d'elles que Vincent Lecavalier a accepté de ne recevoir que 1,5 et 1 million par saison au cours des deux dernières années de son contrat.

Les deux parties ont tout simplement étiré la durée de l'entente afin de réduire le montant qui comptera chaque année dans le calcul de la masse salariale de l'équipe. Avec un contrat de 11 ans, la moyenne annuelle sera de 7,7 millions. Sans les deux dernières saisons, elle aurait été de 9,1 millions. Cela procure donc au Lightning une marge supplémentaire de près d'un million et demi de dollars par année sous le plafond salarial. Simple, mais efficace.