Les présidents John F. Kennedy et Ronald Reagan ont livré, les 26 juin 1963 et 12 juin 1987 respectivement, des discours historiques à Berlin, qui est peut-être elle-même le plus grand carrefour de l'Histoire contemporaine. Hier, Barack Obama a puisé à ces deux sources pour ajouter de la substance à ses positions en matière de politique étrangère et, à la fois, se donner aux yeux de l'électeur américain une stature présidentielle.

Kennedy avait dit : «Je suis un Berlinois.» Reagan avait enjoint Mikhaïl Gorbatchev d'«abattre ce mur».

Dans cette veine, devant la colonne de la Victoire, le candidat démocrate quasi désigné a salué le courage historique des Berlinois et parlé d'abattre d'autres murs. Celui s'élevant entre deux continents, l'Europe et l'Amérique, qui ont récemment dérivé dans des directions opposées – une véritable main tendue à la «vieille Europe». Celui qui sépare les riches des pauvres dans une économie mondialisée. Ce mur, enfin, qui isole les uns des autres les chrétiens, les musulmans, les juifs. «Nous avons une destinée commune, a lancé Obama, et nous ne pouvons nous permettre d'être divisés.»

Au total, ce fut bel et bien un discours de chef d'État. Et, qui plus est, de chef d'État capable de hauteur.

Il a été prononcé aux derniers jours d'un périple (Afghanistan, Irak, Jordanie, Israël, Cisjordanie, plus France et Grande-Bretagne, aujourd'hui et demain) brillamment mené. Un périple sans le moindre faux pas, dans des contrées pourtant bien équipées en pièges de toutes sortes... Et, comme d'habitude, la presse américaine a accordé une couverture son et lumière à ce segment de la campagne d'Obama.

Quant à eux, les 200 000 Berlinois amassés au centre de leur ville ont été charmés. Il est vrai que, même avant cela, 76 % des Allemands disaient souhaiter que le candidat démocrate entre à la Maison-Blanche – un choix qui est aussi celui de la plupart des Européens.

Le problème pour Barack Obama, c'est que ceux-là ne voteront pas, en novembre.

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Il existe bel et bien une «Obamanie» aux États-Unis également. Mais elle est moins unanime. Et elle fait face à un mur : celui du doute.

Si, dans les intentions de vote, Obama devance toujours (par 47 % contre 41 %) son rival républicain, John McCain, un courant de fond persiste : il prend la forme d'un énorme point d'interrogation quant à la jeunesse et l'inexpérience du candidat démocrate, de son passé hors norme et de ses «valeurs».

À ces points de vue, beaucoup d'Américains ne sont pas «confortables» avec Obama, révèle un récent sondage (Wall Street Journal / NBC). Est révélateur le fait qu'on voit mieux John McCain devenir commandant en chef des armées (53 % contre 25 %), fonction la plus lourde du locataire de la Maison-Blanche et qui suppose une très grande confiance de la part de ses commettants.

Ainsi, devant la colonne de la Victoire, Barack Obama n'a pas dit : «Je suis un Berlinois», comme Kennedy. Tout son sous-texte clamait plutôt : «Je suis un Américain»... un Américain semblable à tous les électeurs qu'il doit convaincre que la couleur de sa peau, son funny name ainsi que son CV léger et peu orthodoxe ne le disqualifient pas.